La jouissance du contremaître

Le télétravail? Voilà des années qu’il était déjà possible! Des années perdues, pour les entreprises, pour la société surtout, par conformisme, par ronron, par paresse du changement. Et plus que tout, pour maintenir, dans les boîtes et dans la fonction publique, le bon vieux contrôle physique du petit chef, version bureautique du contremaître industriel, celui qui vient vérifier, derrière votre dos, si vous faites bien votre boulot. Il aura fallu une toute petite bête, maligne et virale, pour souligner la vanité de ces rapports hiérarchiques, où la sournoiserie de la domination le dispute au génie de la tracasserie.

Il y a des métiers où il faut être là physiquement. Mais il existe de nombreuses fonctions, dans une activité professionnelle, qui peuvent s’exercer derrière n’importe quel écran d’ordinateur, là où on est. Dans ce second cas, le télétravail, qui valorise la confiance et la compétence (au final, il faut bien que le boulot soit accompli), vaut mille fois mieux que venir compter ses heures dans les locaux de son employeur.

La notion même de «bureau», création de la seconde moitié du XIXe siècle, et surtout du XXe, est de plus en plus caduque. Pourquoi continue-t-on à construire des surfaces commerciales à Genève, alors qu’une quantité d’entre elles, aujourd’hui, sont vides? Moins de déplacements, moins de jouissance dominatrice chez les petits chefs, moins de pollution, et le boulot qui sera quand même fait! C’est le moment d’être révolutionnaire. Ou alors, c’est à désespérer.