L’ascèse à la critique

Ne nous embarrassons pas trop avec toutes ces histoires de «théorie du complot», je n’ai d’ailleurs pas compris le snobisme de langage de ce double singulier: comme s’il n’y avait qu’une seule théorie, un seul complot.

La vraie question, dans l’espace public, n’est pas l’existence de «complotistes», qui ont toujours existé, mais demeurent une marge. Non, ce qui est intolérable, c’est qu’on qualifie de «complotistes» des gens qui défendent une idée opposée à la vôtre. Cet antagonisme vous gêne, le dérangeur vous irrite? Alors, au lieu de lui opposer vos contre-arguments, vous lui balancez une étiquette. Du coup, vous le déversez dans le même réceptacle que les loufoques. Vous lui faites perdre tout crédit. Vous le disqualifiez dans toute prise de position future. Vous confortez ainsi votre position dominante. Vieille ficelle du pouvoir. De tout pouvoir, d’où qu’il vienne!

La vraie question, c’est le rapport que chacun d’entre nous, chaque citoyen, chaque citoyenne, se doit d’entretenir avec toute parole officielle. La réponse n’est pas simple: il ne s’agit ni de s’applaventrir, ni de résister a priori. Car enfin, si l’officialité peut être menteuse, elle peut aussi dire vrai. La solution, en chacun de nous, c’est l’ascèse à la critique. Celui qui, d’en haut, me parle, qui est-il? Pour qui roule-t-il? Quels sont ses intérêts? Pourquoi tel choix des mots? Que vise-t-il? C’est valable face à tout pouvoir. Exercer cette critique, ça n’est pas être complotiste. Mais citoyen, tout simplement.