Les rails du désir

Jamais, dans l’histoire de Genève, un tronçon ferroviaire n’aura été à ce point chouchouté par les autorités! Le CEVA, alias Léman Express, qui sera inauguré jeudi 12 décembre, jour de l’Escalade, attendu depuis plus d’un siècle, aura fait fantasmer notre classe politique, comme nul autre objet du désir.

Tiendra-t-il ses promesses? Ces rutilantes rames transfrontalières, parviendront-elles à dissuader nos amis de Haute-Savoie de prendre leur véhicule, et venir engorger Genève? Si la réponse est oui, nous aurons à nous en féliciter. Si, par malheur, elle devait s’avérer négative, ou même moyennement convaincante, alors il conviendra de tirer le bilan de quinze années de promesses mirobolantes, soutenues par une idéologie transfrontalière camouflant les appétits de croissance de petits profiteurs locaux, taraudés par l’aubaine d’une main-d’œuvre moins regardante sur les salaires.

Car le véritable enjeu du CEVA, ça n’est pas le train. Ce dernier, sympathique par excellence, n’est que l’appât. Non, l’essentiel, c’est le combat homérique pour ou contre la libre circulation des personnes, dans le cas précis d’un bassin transfrontalier. Les wagons du 12 décembre ne sont qu’un prétexte. Au centre de tout, il y a notre rapport à la frontière, à la souveraineté, à la préférence indigène. C’est cela, la vraie histoire du Léman Express. A l’heure où va tambouriner la propagande des rites inauguraux, un minimum de lucidité et d’esprit de résistance n’est pas de trop.