Vie privée, sanctuaire inviolable!

RESPECT • En aucun cas, la vie privée d’un élu ne doit nous intéresser. Ce qui compte, c’est son efficacité dans l’action publique. En République, la ligne jaune, c’est celle de la loi. Pas celle de la morale.

  • Les choix personnels et sexuels des élus ne regardent personne. 123RF/DELCREATIONS

    Les choix personnels et sexuels des élus ne regardent personne. 123RF/DELCREATIONS

J’ai toujours été un défenseur acharné du respect de la vie privée. Celle des politiques, mais pas seulement! Toute vie privée, de tout humain. Plus précisément: toute part de vie, que tel humain souhaite garder privée. Dans l’ordre politique, je répète depuis trente ans que la vie privée ne nous regarde pas. Nos élus, nous devons les juger sur leur action publique: ont-ils tenu leurs promesses électorales, ont-ils été capables de réformer, faire avancer une situation, débloquer des contentieux, bref servir le bien public? A partir de là, leurs choix personnels, familiaux, leurs préférences sexuelles, tout cela les regarde, et doit laisser parfaitement indifférents les citoyennes et citoyens que nous sommes. A condition, bien sûr, que la loi soit respectée. La loi, en République, doit être notre seul critère, pas la morale.

Un vrai scandale

Prenons l’affaire Benjamin Griveaux. Il ne s’agit pas, comme on a pu le lire, d’un «scandale sexuel». Ce qu’a fait cet homme, à notre connaissance, n’est pas illégal. Non, le vrai scandale est qu’une vidéo à caractère strictement privé ait pu se trouver duplifiée des milliers de fois dans l’espace public, et que cette horreur ait poussé un candidat à la Mairie de Paris à se retirer de la compétition. Je ne suis pas citoyen de la Ville de Paris, mais, si je l’étais, je ne jugerais ce candidat que sur son aptitude, à mes yeux, à faire avancer la Ville Lumière: mobilité, logement, finances, chantiers culturels, grands projets, etc. Le reste me serait parfaitement égal. Je tenais déjà ce discours lors de l’affaire Mark Muller, qui pour moi n’en était pas une, n’aurait jamais dû en être une.

L’action publique avant tout

A des années-lumière de M. Griveaux, je vais vous parler d’un autre homme, l’un de ceux que j’admire le plus dans l’histoire contemporaine de la France. Il s’appelle Pierre Mendès France (1907-1982), il a été président du Conseil entre le 18 juin 1954 et le 5 février 1955: moins de huit mois! Pendant cette période, courte et intense, cet homme austère, au physique peu flamboyant, au charisme discret, orateur moyen, s’est imposé, par sa rigueur et son imagination, comme l’un des plus grands dirigeants d’un gouvernement français, depuis la Révolution. De cet homme, croyez-moi, je sais tout, ayant tout lu sur lui. Tout, sauf une chose: je ne connais quasiment rien de sa vie privée! D’abord, parce que lui-même en faisait très peu état. Aussi, parce que l’action publique m’intéresse autrement que la vie familiale, ou sexuelle, de tel ou tel. Cet homme, je l’admire parce que, dans son discours d’investiture, le 18 juin 1954, il a pris des engagements précis, concernant notamment la Guerre d’Indochine. Et, au jour près, il les a tenus. Voilà, chers amis, ce qui doit nous intéresser suprêmement dans la politique: la capacité d’un homme, ou d’une femme, ou d’une équipe, à tenir parole, emporter ce sentiment si rare qu’on en vient à le quérir désespérément: notre confiance. Excellente semaine à tous!