Par pitié, faisons de la politique!

La politique, oui. La tyrannie du «sociétal», non! Le débat public doit réhabiliter les grands thèmes qui agitent la vie de l’Etat, le destin des peuples. Même s’ils sont austères! La vie de la Cité. En un mot, la politique.

  • Faire de la politique, c’est ne n’est pas seulement se présenter à des élections, mais aussi porter le débat, prendre position. DR

    Faire de la politique, c’est ne n’est pas seulement se présenter à des élections, mais aussi porter le débat, prendre position. DR

Une fois que nous aurons réglé l’affaire du mariage pour tous (j’y suis, pour ma part, résolument favorable, j’ai voté oui, lire en page 5), il va nous falloir recommencer à faire de la politique. De la politique, et pas seulement du «sociétal»! La peste soit, en passant, de cet adjectif, je n’en use qu’avec les guillemets, il suinte tout ce que je rejette dans les préoccupations modernes. Je suis resté archaïque: j’aime la politique, l’histoire, les rapports de forces, les guerres et les traités, les alliances, les grands hommes, les grands écrivains, les grands musiciens. J’aime l’industrie, et garde en moi des souvenirs d’enfance, éblouissants, de visites des grandes usines allemandes, comme VW à Wolfsburg en 1972, ou les mines de fer de Kiruna en Suède (juillet 1968), ou les dizaines de ponts ou tunnels que construisait mon père, ingénieur, lorsqu’il m’emmenait le samedi sur ses chantiers. Pour être franc, j’aime le monde des hommes. J’ai grandi dans ce monde-là, y compris à l’école, où nous n’étions, jusqu’aux trois dernières années avant la maturité, que des garçons.

Respect de tous

De la politique, et pas du «sociétal»! Le mariage pour tous, c’est important à mes yeux, il faut rattraper quelque chose, il faut le respect de tous, l’égalité, la liberté pour chacun de choisir sa vie. Alors là, je dis oui, comme j’ai toujours dit oui à l’égalité hommes-femmes. Ce sont là de grands sujets, il fallait avancer, il le faut encore, comme il fallait naguère abolir la peine de mort. Dans ces combats-là, j’ai toujours été du côté du progrès.

Résister à la dictature du dogme

Mais le «sociétal»! La place étouffante, par exemple, que prennent les «études genre» dans un monde universitaire devenu cénacle du convenable, vecteur de pensée unique, intolérance face à ce qui dévie, et même parfois dictature de «collectifs» d’étudiants pour empêcher certains professeurs, ou conférenciers, jugés non conformes à l’orthodoxie, de s’exprimer. A cela, à cette dictature du dogme, nous devons résister.

Le «sociétal»! Tellement plus facile, si on monte un débat, pour attirer le badaud. Tellement plus aisé, pour capter, que de se coltiner des confrontations politiques sur le budget de l’Etat, la fiscalité, le pouvoir d’achat des classes moyennes, les retraites, la santé, les élections allemandes, le statut des personnes âgées, l’emploi des jeunes. Eh bien pour ma part, j’ai grandi dans la politique, elle me passionne depuis décembre 1965 (deuxième tour de Gaulle-Mitterrand), j’y ai passé ma vie, j’ai lu des centaines de biographies politiques, peut-être des milliers, beaucoup plus que de romans, tel est mon parcours, tel est mon horizon, telle est ma vie.

Réhabiliter la chose publique

Alors, je dis: faisons de la politique! Non en nous présentant à des élections, mais en portant le débat, en prenant position dans des commentaires. Surtout, en réhabilitant la chose publique, la passion pour l’histoire, le décryptage, la mise en contexte. C’est plus austère que les modes d’un moment. Mais ça nous mène plus loin, dans l’intensité du regard.