Patrons fâchés: «Ras-le-bol de la politique de Dal Busco!»

MOBILITé • Trois représentants des entreprises et des usagers disent leur colère de ne pas être considérés comme de véritables partenaires par le Département des infrastructures.

  • De g à d: Yves Gerber, directeur du TCS Genève, Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment  et Robert Angelozzi, secrétaire de la section Genève de l'Association suisse des transports routiers. DR

    De g à d: Yves Gerber, directeur du TCS Genève, Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment et Robert Angelozzi, secrétaire de la section Genève de l'Association suisse des transports routiers. DR

Carton rouge! Réunis pour les 30 ans du GTE (Groupement Transport et Economie), désormais baptisé Genève mobilité, les représentants des milieux économiques genevois poussent un coup de gueule. Dans leur viseur: le conseiller d’Etat chargé des Infrastructures (DI), Serge Dal Busco et sa politique de mobilité. «C’est simple résume Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB), regroupant 1400 entreprises, on est écouté mais pas entendu; informé mais pas consulté. Et ce n’est pas une politique en faveur des transports publics et de la mobilité douce que mène le DI mais une politique contre la voiture et plus largement le transport individuel motorisé, dont les PME pâtissent directement.»

Pont de Peney coupé cet été

Dernier exemple en date: la fermeture du pont de Peney, à Satigny. «Il va être coupé du jour au lendemain sans discussion», s’offusque Robert Angelozzi secrétaire de la section Genève de l’association suisse des transports routiers (ASTAG), qui compte 400 membres. Si ce dernier admet volontiers que le pont doit être rénové d’urgence, il ne comprend pas qu’aucune solution temporaire du type itinéraires de substitution ou pont provisoire n’ait été discutée en amont avec les partenaires économiques. «Ce pont donne accès à une zone industrielle très importante pour les entreprises dites lourdes, renchérit Robert Angelozzi. Sans lui, on va devoir traverser Vernier.» Autre couac majeur selon lui: «Le DI n’a pas prévu de procéder à des travaux accélérés. Quand on leur demande pourquoi, ils répondent qu’ils n’ont pas essayé car c’est trop compliqué!»

Pour Yves Gerber, directeur du Touring club suisse (TCS) Genève, fort de ses 142’000 membres, la gestion de ce cas particulier est symptomatique de la façon de faire du conseiller d’Etat et de ses équipes. Idem avec les aménagements des pistes cyclables Covid. «Sur le principe, nous ne sommes pas contre. D’ailleurs, nous n’avons déposé un recours que contre un seul aménagement sur 29: celui de Plainpalais - Cornavin.»

«Vision dogmatique»

Il déplore «la vision dogmatique du DI, qui met la charrue avant les bœufs en fermant le centre-ville aux voitures avant de développer une véritable ceinture urbaine. Résultat: ce sont le monde économique et les entreprises qui trinquent.» Mais aussi les habitants. «De plus en plus d’entreprises, par exemple un plombier censé intervenir pour déboucher un évier, refusent d’intervenir en ville à cause du temps perdu et, par effet de domino, des surcoûts engendrés par les bouchons», stipule Yves Gerber.

Un constat que partage Robert Angelozzi. «Les entreprises qui transportent des métaux lourds, du matériel de chantier, etc. ne peuvent pas le faire à vélo cargo», poursuit-il. D’autant que les choses sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît: «Une entreprise de transport , c’est n’est pas que Uber ou Zalando, c’est aussi le collecteur de déchets qui fait sa tournée!»

Yves Gerber tient pour sa part à souligner qu’il ne s’agit pas de défendre bec et ongles le trafic individuel motorisé: «Ce n’est pas un combat voitures versus mobilité douce! A titre d’exemple, dans la zone industrielle de Meyrin Satigny, les entrepreneurs et le GTE se battent depuis plus de dix ans pour aménager un réseau cyclable sécurisé. Nombre de nos membres se déplacent tour à tour à pied, en transports en commun, à vélo, à scooter ou en voiture. On ne devrait pas opposer les uns aux autres, car, il s’agit souvent de la même personne.»

Et Nicolas Rufener de souligner: «On ne nie pas la complexité de la situation mais chaque fois qu’on essaie de négocier, de collaborer, on ne nous écoute pas.» Il en veut pour preuve une étude commandée par le GTE fin 2020 et présentée confidentiellement au magistrat chargé des Infrastructures, Serge Dal Busco. «Non seulement, cela n’a donné suite à aucune collaboration, mais l’étude s’est retrouvée dans la presse et dans la procédure judiciaire relative aux pistes cyclables Covid», déplore Nicolas Rufener.

«Ce qu’on veut c’est être considéré comme un partenaire, une force de proposition», conclut le trio.

«Ce n’est pas une politique anti-voiture»

MP • Face à ces critiques, le Département des infrastructures (DI) répond. Selon sa chargée de communication, Karen Troll, «la politique de Serge Dal Busco n’est pas anti-voiture. Au-delà de l’atteinte des objectifs du plan climat cantonal, elle entend simplement diminuer le transport individuel motorisé privé en faveur des utilisateurs qui n’ont pas d’alternatives et en particulier en faveur du transport professionnel et marchandises.» En résumé, l’objectif du DI est de diminuer le trafic pendulaire.

Concernant le manque de concertation, elle rappelle que les organisations sont parties prenantes de plusieurs organes officiels de consultation. Elles sont, à ce titre, «régulièrement associées aux orientations prises dans les dossiers stratégiques et informés périodiquement des chantiers d’importance». A l’image du chantier du pont de Peney. Et Karen Troll de préciser que «des itinéraires alternatifs ont été développés pour accompagner le chantier».