Plans sanitaires: manifs sportives en danger

  • L’Etat exige un niveau plus élevé pour les secouristes encadrant les grandes manifestations.
  • Le surcoût engendré pour les organisateurs fait exploser les budgets et met en péril la tenue de certains événements.
  • Le conseiller d’Etat Mauro Poggia réfute les critiques et estime que les normes sont claires et justifiées.

  • Une précédente édition de la Meyrin Run. Les nouvelles directives concernant les secouristes engendrent des difficultés supplémentaires pour les organisateurs. DR

    Une précédente édition de la Meyrin Run. Les nouvelles directives concernant les secouristes engendrent des difficultés supplémentaires pour les organisateurs. DR

«Il n’y a aucune base légale qui exige un tel niveau de formation pour les secouristes»

Laurent Seydoux, vice-président de l’Association genevoise d’athlétisme

«Avec de telles exigences, c’est la survie même de nos événements qui est en jeu!» En tant que responsable de la sécurité et vice-président de la Meyrin Run, André Sotomayor est dépité. En cause: ses échanges avec le service du médecin cantonal. Ce dernier exige désormais que les secouristes encadrant les manifestations sportives disposent du niveau 3 de formation au secourisme (ndlr: les niveaux IAS2 et IAS3 sont déterminés par l’Interassociation de sauvetage).

«Jusqu’à maintenant, le niveau 2 suffisait. En tant qu’organisateur, je vois qu’une nouvelle fois, l’Etat fixe des règlements d’applications qui me semblent superflus et qui ne vont pas dans le sens des associations, organisateurs de manifestations ou autres événements publics dans notre canton», s’agace André Sotomayor.

L’agacement et l’incompréhension sont aussi de mise chez les prestataires de services. Kevin Jeanneret, président de l’association Swiss Medical Emergency, ne cache pas les difficultés engendrées par ces nouvelles directives: «Nous n’avons pas de secouristes de niveau 3 pour répondre à cette exigence. Résultat, je suis obligé de faire appel à des professionnels de la santé qui n’ont pas forcément l’énergie et le temps pour participer à l’encadrement de ces manifestations en plus de leur activité professionnelle.»

40 heures de formation

Quant aux secouristes de niveau 2, ils se retrouvent sur le carreau . «Il y a beaucoup d’heures d’écart entre les deux niveaux, explique Kevin Jeanneret. Passer le niveau IAS3, cela demande 40 heures de formation et c’est un coût important.»

Des charges qui se répercutent sur les finances de l’organisateur. Car, si un secouriste de niveau 2 est payé 20 à 22 francs de l’heure, un niveau 3 est, lui, rémunéré 10 francs de plus en moyenne. Un impact financier ressenti durement par les organisateurs. Comme ont déjà pu le constater ceux de la Course de côte de Verbois et du concours hippique de Satigny.

De son côté, le président de la course de l’Escalade, Jerry Maspoli, a fait le calcul: «Cette année, on dépasse les 40’000 francs de budget pour l’encadrement sanitaire, hors mesures Covid. A titre de comparaison, il y a huit ans, on fonctionnait principalement avec des bénévoles et cela nous coûtait environ 5000 francs.» Un surcoût d’autant plus difficile à absorber que le nombre de coureurs a dû être divisé par deux en raison du Covid. «On espérait logiquement réduire les coûts. Or, le seul budget qui augmente, c’est celui du sanitaire à cause de cette directive.»

Un désir ou une obligation?

Pourquoi avoir ainsi revu à la hausse les exigences en matière de formation des secouristes? Le conseiller d’Etat chargé de la Sécurité et de la Santé, Mauro Poggia, comme le service du médecin cantonal, dit s’appuyer sur une décision de l’IAS (lire encadré). «C’est un «désir» pas une obligation. Les Cantons sont libres de faire comme ils veulent», clament aussi bien Kevin Jeanneret qu’André Sotomayor.

Laurent Seydoux, vice-président de l’Association genevoise d’athlétisme, renchérit: «Il apparaît qu’il n’y a aucune base légale qui l’exige. Il s’agit maintenant de clarifier la situation pour éviter de régler les choses au cas par cas à quelques semaines d’un événement.» Et de proposer que la faîtière joue les intermédiaires.

Mauro Poggia: «Le niveau 2 est insuffisant»

Interrogé par nos soins sur ce renforcement des exigences en matière d’encadrement sanitaire, Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé du Département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS), répond: «Les normes IAS sont claires et ne souffrent pas d’interprétation. On ne négocie pas lorsqu’il s’agit de la santé et pour un service de type professionnel, le niveau 2 est insuffisant.» Et le magistrat d’ajouter: «Je m’étonne de voir ces critiques ressurgir par intermittence, alors que les organisateurs savent quelles sont les règles à respecter.» Il conclut par ces mots: «Quant aux organismes qui proposent contre rémunération des concepts sanitaires en-dessous des exigences, ils ne pourraient même pas offrir de tels services dans le canton de Vaud. Genève n’est donc pas plus exigent qu’ailleurs.»