«Humainement, cette pandémie est une catastrophe»

VIE NOCTURNE • Considérée comme la reine des nuits genevoises, Janine Dunand ignore quand elle pourra rouvrir le Java Club. Un manque de visibilité qui a de lourdes conséquences financières et qui nuit aussi à l’âme de ce lieu bien connu des noctambules romands.

  • Janine Dunand est

    Janine Dunand est la patronne du Java Club depuis sa création en 2005. DR

C’est en 2005 que Janine Dunand crée le Java Club. En quinze ans, cette institution festive a su trouver son public au-delà des frontières genevoises. Mais depuis le printemps de cette année, la pandémie est passée par là. Obligeant sa patronne à devoir affronter la pire crise de son histoire.

GHI: Aujourd’hui, le Java Club est fermé, sans date de réouverture. Comment vous sentez-vous? Janine Dunand: C’est très dur. Car quand on travaille dans le monde de la nuit, il n’existe aucune manière de se réinventer, on ne peut pas pratiquer la vente à l’emporter ou le télétravail. On doit donc faire face à une interminable attente. Humainement, ensuite, c’est une catastrophe. Depuis mes débuts, il y a plus de quinze ans, j’ai fait en sorte qu’il y ait un véritable esprit d’équipe au Java Club. Force est de constater que cet esprit d’équipe risque fort de se désagréger avec le temps. J’invite mon personnel à manger par groupe de quatre, mais cela ne remplace pas le fait de bosser ensemble, cela m’attriste car mes employés sont un peu mes enfants. Je suis aussi inquiète en ce qui concerne notre clientèle. D’abord, elle me manque et ensuite nous avons mis des années à la fidéliser. J’espère qu’elle sera toujours au rendez-vous quand nous ouvrirons à nouveau.

– Vous estimez que les autorités en font trop du côté des mesures sanitaires? Non, je ne crois pas. Elles font surtout ce qu’elles peuvent. Cet été, en revanche, les autorités ont été trop dures avec nous car les clubs genevois étaient les seuls de Suisse à être fermés. On nous a promis des aides financières, donc je suis un peu rassurée. En tant que patronne, je ne touche rien, mais je ne me plains pas. Je me bats pour mes employés en ce moment, ils touchent les RHT (chômage partiel), mais c’est surtout très difficile de ne plus avoir le droit de travailler. Donc je leur ai dit qu’ils pouvaient sans autre chercher du travail ailleurs et que le jour où le Java Club sera à nouveau ouvert, je les rappellerai.

– L’idée de tout arrêter vous a traversé l’esprit? Non car je suis en fin de carrière, donc je ne me vois pas relancer un autre business. Et surtout j’y crois encore, je suis convaincue que le Java Club va redémarrer un jour ou l’autre. Il ne va pas disparaître car la population a un besoin intrinsèque de danser, s’amuser, se rencontrer, faire la fête. Les établissements nocturnes ont un rôle social à jouer. D’un point de vue sanitaire, il est plus sûr de venir dans un club où l’on est tracé et masqué que d’aller dans une fête sauvage.

– Entre l’espoir des vaccins et la menace d’une troisième vague, vous arrivez à imaginer à quoi ressemblera l’année 2021? C’est vrai que l’on nous promet à la fois l’enfer et le paradis. Très sincèrement, je ne sais pas à quoi ressemblera l’an prochain donc je vis au jour le jour, comme la plupart des Genevoises et des Genevois depuis le début de cette pandémie.

– Quand on vit la nuit à 200 km/h, on supporte d’être mise à l’arrêt du jour au lendemain? J’avais une vie trépidante la nuit, mais je suis finalement assez casanière la journée. J’aime m’occuper de mon jardin, lire et prendre du temps pour moi. Donc cela ne me change pas fondamentalement, même si mon rythme de vie est forcément un peu plus calme. Heureusement, il y a Netflix!