«Je ressens une véritable tristesse»

Contraint de reporter ou d’annuler une grande partie de ses activités, le Musée d’ethnographie a fait le choix du numérique pour passer au mieux cette période compliquée. Mais son directeur Boris Wastiau ne s’en cache pas, le digital ne remplacera jamais les contacts humains.

  • Boris Wastiau: «Une session en streaming ne remplacera jamais un échange en présentiel.» STéPHANE CHOLLET

    Boris Wastiau: «Une session en streaming ne remplacera jamais un échange en présentiel.» ©Stéphane Chollet

Anthropologue de métier, Boris Wastiau est à la tête du Musée d’ethnographie de Genève (MEG) depuis plus de dix ans. Jamais il ne s’attendait à devoir vivre une période aussi compliquée que celle qui a débuté au printemps 2020. Entre tristesse et réactivité, il se confie sur la manière dont le musée fait face aux diverses fermetures, tout en restant optimiste pour l’après-Covid.

GHI: Depuis près d’un an, le MEG vit au rythme des mesures sanitaires, c’est compliqué?
Boris Wastiau:
Bien entendu, cette période représente une épreuve sans précédent car personne ne pouvait l’imaginer. Il nous a fallu du temps pour prendre la mesure de cette nouvelle réalité. Et comprendre qu’elle allait durer de nombreux mois. Je me souviens que lorsque nous avons fermé une première fois en mars dernier, nous pensions que cela n’allait durer que quelques semaines ou quelques mois et qu’ensuite les choses rentreraient dans l’ordre. Lors de la réouverture en juin, nous étions remontés à bloc. Et puis les cas sont repartis à la hausse en septembre et en octobre et il a fallu une nouvelle fois fermer en novembre. Ce fut une véritable catastrophe. Nous avons tous été gagnés par un total sentiment d’impuissance.

– Ces prochains mois, vous les imaginez comment?
– Je fais confiance aux politiques pour gérer la crise sanitaire, mais ils n’ont pas davantage de visibilité que nous tous. Il est impossible de prévoir l’évolution de la pandémie. Du coup, je m’attends à ce que cette situation dure encore un certain nombre de mois. Tous les projets sur lesquels nous travaillons comportent désormais un plan B, en virtuel. Cela permet à chacun de rester motivé en sachant que l’événement aura de toute façon lieu.

– Quand on dirige un musée, reporter des expositions n’est pas chose aisée…
– C’est le moins que l’on puisse dire. Il faut gérer une trentaine de partenaires impliqués, que ce soit les prêteurs, les transporteurs ou encore les assureurs. Dans des délais très brefs, il faut les contacter et négocier avec eux en leur expliquant que l’expo est décalée. C’est compliqué, mais nous y sommes parvenus à de multiples reprises.

– Au quotidien, les équipes du MEG ont-elles su trouver les ressources pour relever ces nouveaux défis?
– Oui, admirablement. Car il y a les expositions, mais aussi les conférences, les concerts et les ateliers qui ont dû être annulés ou reportés. Nous avons mis sur pied une offre de substitution numérique. Le public a répondu présent en ligne, mais ce n’est pas la même chose, il manque les véritables contacts humains. Une session en streaming ne remplacera jamais un échange en présentiel. Et puis, beaucoup d’employés sont passés en télétravail, cela crée une perte de contacts, une froideur. En tant que directeur, on perd le feeling avec ses équipes, c’est très difficile pour moi. Cela me rend véritablement triste. Je garde cependant aussi à l’esprit que nous sommes des privilégiés, contrairement aux musées privés pour qui cette période s’apparente à une véritable catastrophe, financièrement parlant.

– Quel est le moment qui vous a le plus marqué depuis le début de la pandémie?
– C’était lors du premier semi-confinement au printemps de l’année dernière. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à la maison à passer du temps avec mes deux enfants. Un moment très agréable qui nous a permis de nous redécouvrir sous un nouveau jour.