«Le métier d’humoriste est mal assuré»

Kévin Eyer est une figure de l’humour genevois. Depuis un an, la pandémie a stoppé net son rêve de vivre de la scène.

  • Kévin Eyer: «La passion de la scène est plus forte que tout.» YANN CLU

    Kévin Eyer: «La passion de la scène est plus forte que tout.» YANN CLU

On lui donnerait presque le bon Dieu sans confession tant il déborde de sympathie communicative. Au fil des années, Kévin Eyer, qui a fait ses premières armes en suivant des cours d’improvisation à l’Ecole de culture générale Henry-Dunant, s’est imposé comme l’une des étoiles montantes de l’humour genevois. Il a aussi fondé, en 2015, le KéMedy Club avec son ami Mehidin. Pour faire face à la fermeture des salles de spectacle, il a su se réinventer en mettant sur pied des cours de théâtre et des ateliers d’écriture. Même s’il confie volontiers ne plus avoir le moindre centime en poche.

GHI: Après une année de pandémie, n’est-ce pas trop dur à vivre quand son métier consiste à faire rire les gens?
Kévin Eyer:
Déjà un an? C’est vrai que cela passe à une vitesse folle. Quand j’y repense, une double sensation m’anime. D’un côté, j’ai eu davantage de temps pour peaufiner mes textes, réfléchir aux choses de la vie, mettre sur pied de nouveaux projets. Avoir du temps, c’est positif et rare de nos jours. Mais d’un autre côté, et c’est ce qui prend le dessus, je ressens un véritable ras-le-bol. Je n’en peux plus d’être coupé du public, ne plus pouvoir travailler tout simplement. Contrairement à ce que certains croient, le stand-up, c’est mon vrai métier. Je ne fais pas cela à côté, juste pour m’amuser. C’est donc encore plus compliqué d’être en permanence le bon petit citoyen qui s’adapte à toutes les mesures annoncées.

– D’autant plus que, jour après jour, cela ressemble à un ascenseur émotionnel…
C’est exactement ça! Une première vague, une deuxième, des variants, des vaccins. C’est chaud à vivre au quotidien. Déjà que nous sommes des intermittents du spectacle, là on nous plonge vraiment dans l’intermittence (rires). Nos métiers sont instables par nature, mais on a quand même besoin d’un minimum de stabilité pour pouvoir avancer.

– Vous avez reçu des aides financières?
Financièrement parlant, j’ai tout simplement reçu zéro franc, zéro centime. Ah non, je me souviens que l’an passé, une association a récolté des fonds et m’a versé 1000 francs. Les humoristes ne sont pas vraiment concernés par le soutien financier, nos métiers sont trop flous apparemment. J’ai aussi remarqué qu’ils sont mal assurés. En cas de pandémie, tout s’effondre très vite. Et là, je suis arrivé au bout de mes économies, il ne me reste plus rien pour payer mes factures.

– Certains métiers se sont regroupés en association pour se faire entendre. Est-ce aussi le cas des humoristes?
Oui, à la fin de l’année dernière, tous les humoristes romands se sont retrouvés sur Zoom. De cette séance est née l’Union romande de l’humour. Sa mission consiste à faire valoir nos droits, mais aussi à créer des projets en commun et obtenir des aides quand c’est nécessaire. On verra ce que cela donnera.

– Avez-vous fait le choix de vous réinventer depuis le début de la pandémie?
J’ai essayé. En réalisant de petites vidéos humoristiques sur Instagram notamment. Pour gagner quelques sous, j’ai aussi monté des ateliers d’écriture et des cours de théâtre que je donne via Zoom. Je suis prêt à faire d’autres choses mais toujours en restant dans mon univers. Et quand les salles rouvriront, je serai comme un fou. J’espère que cet été, des spectacles en plein air pourront avoir lieu. La vraie reprise se fera en septembre à mon avis. Même si tous les jours l’idée de tout arrêter me traverse l’esprit, la passion de la scène est plus forte que tout.