«Nous nous battrons pour la survie de nos cinémas»

CRISE SANITAIRE • Laurent Dutoit, directeur des cinémas indépendants Scala et City, a dû fermer ses salles à deux reprises cette année. Un crève-cœur pour ce passionné qui reste convaincu que les cinéphiles seront de retour après la crise sanitaire.

  • Malgré la crise, Laurent Dutoit croit au pouvoir magique des salles obscures. STéPHANE CHOLLET

    Malgré la crise, Laurent Dutoit croit au pouvoir magique des salles obscures. ©Stéphane Chollet

Grand amateur de films d’art et d’essai, Laurent Dutoit ne craint pas la concurrence des plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime. Selon lui, les salles obscures ont encore un bel avenir à Genève. Même si la situation économique du secteur sera très compliquée à la sortie de la crise sanitaire. Entretien.

GHI: Au mois de mars, puis en novembre, les cinémas Scala et City ont dû fermer leurs portes. Dans quel état d’esprit êtes-vous? Laurent Dutoit: Je suis extrêmement combatif. Ce qui compte pour moi, c’est que l’on dise à la population qu’il n’y a pas de risque sanitaire de venir au cinéma. Du reste, aucun cluster de contamination n’y a été constaté depuis le début de la pandémie. Cela ne m’étonne guère car les salles sont grandes, bien ventilées, le port du masque est obligatoire et la distance entre les gens est toujours respectée. Impossible de se retrouver à côté d’un inconnu comme c’est le cas dans les transports publics par exemple. Et j’aimerais aussi rappeler que lorsque l’on regarde un film, on est silencieux, on ne hurle pas. Donc d’un point de vue sanitaire, c’est l’idéal.

– Cet été, entre les deux semis-confinements, vous avez pu retrouver une partie de votre public? Oui et non. Tout d’abord, cela a pris du temps. En mai ou juin, on a constaté que les gens avaient encore de la peine à venir dans nos salles. La reprise a été laborieuse. Puis, petit à petit, au fil de l’été, les habitudes sont revenues et nous avons pu retrouver notre public de fidèles. Ceux qui ont un abonnement notamment. Les autres, les cinéphiles occasionnels, ont eu de la peine à faire le pas. Bref, en octobre, la fréquentation repartait gentiment.

– Et quelques semaines plus tard, la deuxième fermeture vous est annoncée… Exactement. Ce deuxième coup d’arrêt est forcément préjudiciable. Mais je ne ressens pas de colère, plus maintenant. J’étais seulement énervé quand le canton du Valais a pris la décision de fermer les lieux culturels alors que les restaurants étaient encore ouverts. Je trouvais cela injuste.

– Vous avez été aidé financièrement? Oui, mais le délai est trop long. J’ai reçu en novembre une réponse concernant ma demande adressée en mars. Plus de six mois pour nous aider, ce n’est juste pas normal. De notre côté, nous avons mis en place les RHT (chômage technique), cela nous permet de tenir. Mais notre but est d’avoir le moins de soutien financier possible pour ne pas être constamment sous perfusion.

– Vous craignez que les Genevois perdent l’habitude d’aller au cinéma après avoir regardé des films sur les plateformes de streaming pendant des mois? Non, cela ne me fait pas peur car Netflix et les autres ne sont qu’une autre manière de consommer de la télévision. Le cinéma, c’est bien plus que cela. C’est une expérience de groupe dans un lieu dédié au septième art. On range son smartphone et on se fait plaisir. C’est comme si on n’allait plus au restaurant car on peut se faire livrer de la nourriture à domicile, je n’y crois pas. Je reste optimiste en ce qui concerne l’avenir car nous allons nous battre pour la survie de nos cinémas.