Trottinettes sur les trottoirs: attention danger!

MOBILITÉ • Avec l’arrivée des beaux jours, ces engins souvent rapides sèment la terreur sur les trottoirs qui leur sont pourtant interdits. La police appelle à la prudence.

  • Les accidents avec des trottinettes électriques ont connu une forte augmentation en 2021. TR

«Marre de ces trottinettes électriques! N’ai-je pas le droit en tant que piétonne de me sentir en sécurité sur un trottoir?», s’énerve Jacqueline, frôlée quelques instants plus tôt par un utilisateur trop pressé dans les Rues-Basses. «Il n’a pas le droit de circuler ici. En guise d’excuse, le propriétaire de cet engin diabolique m’a affublée d’un doigt d’honneur bien haut pour que je ne le rate pas», témoigne la sexagénaire en se tenant la cheville.

Derrière elle, un homme qui a assisté à la scène accourt pour proposer son aide: «De toute façon, le piéton percuté sera, quoi qu’il en soit, toujours la victime. C’est le pot de fer contre le pot de terre. Faut-il attendre des drames avant de punir sévèrement et de prendre les mesures adéquates?», demande le bon samaritain.

Accidents en hausse

D’autant qu’à Genève, les accidents impliquant une trottinette ont connu une très forte augmentation l’année dernière. Alors qu’on en comptait 35 en 2020, 85 accrochages se sont produits en 2021 (dont 53 impliquant des trottinettes électriques). Dans l’écrasante majorité des cas, près de deux fois sur trois, l’utilisateur de l’engin électrique en question était fautif. «Nous observons de plus en plus d’accidents avec des cyclistes et des piétons. Mais les chocs entre trottinettes sont eux aussi en augmentation», signale Alexandre Brahier, porte-parole pour la police cantonale.

Justement. Que fait la police? «Nous effectuons des contrôles de circulations ciblés, notamment sur la voie verte, afin de sécuriser les lieux et permettre une bonne cohabitation entre les différents usagers», répond le porte-parole.

Que risquent les trottinétistes imprudents? «Nous sanctionnons principalement les utilisateurs qui modifient leur engin pour rouler à des vitesses excessives, explique Alexandre Brahier. Lorsque nous constatons qu’une trottinette dépasse la vitesse autorisée (25 km/h mais 30 km/h tolérés), elle est saisie et mise en fourrière. Le «record» enregistré à ce jour est d’environ 130 km/h. Inutile de préciser les conséquences en cas d’accident sur une trottinette à cette vitesse.» Quant à l’utilisateur? «Il est déclaré en contravention sur-le-champ», détaille Alexandre Brahier.

Pour éviter cela, la police appelle les usagers à ne pas modifier leurs trottinettes électriques. «Une déformation sur la chaussée (nids-de-poule par exemple), peut entraîner une perte de maîtrise du véhicule», souligne le chargé de communication.

Enfin, la police invite les parents à la vigilance. «Certains achètent une trottinette électrique à leur enfant pour aller à l’école. Le problème, c’est que c’est interdit sur la voie publique jusqu’à 14 ans. Et qu’il faut un permis entre 14 et 16 ans», poursuit Alexandre Brahier. Contrôles renforcés Du côté des autorités, on se dit favorable à des contrôles renforcés des utilisateurs de trottinettes par les polices cantonales et municipales. «Nous avons toujours souligné que les règles de bons comportements s’appliquent à tous les moyens de transport», résume Roland Godel, porte-parole au Département des infrastructures. «Nous développons activement le réseau cyclable pour encourager la mobilité douce, un réseau qui profite aussi aux trottinettes. Elles n’ont donc aucune excuse pour circuler sur les espaces réservés aux piétons.» Et de rappeler l’attachement du Département à la marche à pied. «C’est le moyen principal de déplacement. Les piétons doivent être respectés et bénéficier d’itinéraires sûrs et pratiques», conclut le porte-parole.

Mobilité douce

«La trottinette, même électrique, reste une mobilité douce, qui est attractive en milieu urbain», nuance Caroline Marti, présidente de l’Association transports et environnement (ATE). Pour elle, le succès de ce type de véhicules vient probablement de la flexibilité qu’il permet: «Il est plus facile de rentrer dans un tram ou un train avec sa trottinette qu’avec un vélo. Cela facilite la multimodalité, notamment pour les grandes distances», estime-t-elle. D’après l’ATE, le danger lié à l’utilisation des trottinettes électriques viendrait non seulement de l’usage illicite que certains en font mais aussi du fait qu’aucun espace propre ne leur est dédié. «Il faudrait définir plus clairement l’espace de circulation que ces véhicules peuvent utiliser», demande la députée socialiste.

Réservé aux piétons

«Entre les vélos mal garés et les trottinettes qui foncent au milieu des passants, les piétons sont en danger. Pourtant, les trottoirs leur sont exclusivement réservés. C’est la loi sur la circulation routière (LCR) qui le dit!», relève Patrick Lacourt, du groupe régional genevois pour l’association Mobilité piétonne suisse. Depuis de nombreuses années, son association milite en faveur de règles plus strictes. Elle avait notamment lancé une pétition en 2019, «Le trottoir au piéton», signée plus de 4500 fois et envoyée aux autorités fédérales. «Ce sujet concerne tout le monde, la sécurité sur les trottoirs doit être totale. N’oublions pas qu’un piéton est un automobiliste qui a réussi à se garer», rappelle non sans humour Patrick Lacourt.