«Nous avons quitté le bureau vendredi en étant employés du Credit Suisse. Et nous sommes revenus lundi comme futurs licenciés d’UBS.» Gérant de fortune, Xavier* est encore sous le choc. Il est l’un des 700 employés genevois de feu la deuxième banque du pays.
Lui et ses collègues ont suivi heure après heure le feuilleton du week-end: à savoir le rachat de Credit Suisse par UBS. «J’étais scotché devant ma télé. A écouter les déclarations du Conseil fédéral, les décisions de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et de la Banque nationale suisse (BNS). Sachant qu’en réalité, ce sont les régulateurs américains et ministres des finances français et autres qui avaient notre avenir entre leurs mains.»
«On a été bradé!»
Et d’ajouter: «Ils ont mis la pression car ils voulaient que la Suisse trouve une solution avant l’ouverture des marchés, sinon, cela aurait été la panique. C’est un mariage arrangé. Ni UBS, ni Credit Suisse ne voulaient de cette union. On a été vendu pour 3 milliards d’après les informations qui circulent. Autrement dit, une bouchée de pain! On a été bradé!»
Au-delà du choc, c’est aussi de la colère que ressentent les employés de Credit Suisse. «On en veut à notre direction. On n’a pas vu Ulrich Körner, notre CEO. Où étaient nos dirigeants? Le top management n’a pas été à la hauteur ni de leurs postes, ni des millions touchés pendant des années! Leur seul message a été: Circulez, y a rien à voir! Ils ont réussi à faire mentir le fameux «too big to fail». Ils ont fait tomber l’intombable. C’est vraiment l’exécutif de la honte!»
«Morts-vivants de la finance!»
Difficile dans ces conditions de se motiver pour retourner au bureau. Xavier n’est pas près d’oublier son arrivée devant les bâtiments du siège ce lundi matin. «En approchant, je voyais les caméras et les perches de micro. C’est la troisième fois qu’on a les médias devant nos portes. C’est traumatisant pour les employés.» Quid de l’atmosphère au sein des locaux de la banque? «On doit bosser comme si de rien n’était ou presque. Le business continue. Avec ce sentiment étrange d’être des morts-vivants de la finance!»
Quant à la suite, Xavier ne se fait pas d’illusion: «On sait très bien qu’une grosse partie d’entre nous va passer à la trappe. Le calcul est vite fait: on est 17’000 employés au Credit Suisse auxquels s’ajoutent les 21’000 d’UBS. Ça fait 38’000 en tout. En toute logique, la presse parle de 10’000 licenciements à l’échelon suisse. UBS va devoir faire des choix. Or, la banque ne va pas liquider les siens. Même s’il y a des talents monstrueux chez nous, ils vont, en toute logique, licencier en priorité dans les effectifs de Credit Suisse.»
Une particularité genevoise devrait toutefois rentrer en ligne de compte: «A Genève, Credit Suisse n’a personne qui travaille dans la banque de détail. L’essentiel des effectifs est constitué par des gérants de fortune. Or, c’est dans la banque de détail et le back-office qu’il y a le plus de doublons», précise-t-il.
Ce qui ne l’empêche pas d’être inquiet pour son avenir... «Désormais, c’est un énorme concours de beauté pour savoir qui va partir et qui va rester. De mon côté, j’ai déjà commencé à me renseigner», conclut Xavier, dépité mais motivé.