Coups et vandalisme dans une école spécialisée

Située à Meyrin, La voie lactée accueille une trentaine d’élèves en difficultés. Elle fait face à une hausse des comportements violents. Une mère témoigne de problèmes récurrents. Le directeur de l’école et le Département de l’instruction publique qui la subventionne réagissent.

  • Maria, maman de jumeaux, aimerait changer ses enfants d’école, mais pour les mettre où?

    Maria, maman de jumeaux, aimerait changer ses enfants d’école, mais pour les mettre où? STÉPHANE CHOLLET

Coups, propos agressifs voire sexuels ou encore vandalisme… A l’école La voie lactée, la violence a franchi un cran. Au point d’inciter l’équipe de cette école primaire spécialisée située à Meyrin à envoyer un courrier aux parents, daté du 25 février. Evoquant des «événements répétitifs», les auteurs de la missive expliquent: «Nous constatons une hausse de certains comportements agressifs (...) Nous ressentons une certaine banalisation de ces actes, ce qui nous inquiète profondément. De plus, nous assistons à certains actes de vandalisme qui sont de plus en plus fréquents et aux conséquences de plus en plus lourdes (inondation du couloir, vols de goûters, dessins sur les murs).» Résultat, une réunion extraordinaire est convoquée en urgence le 28 février (lire ci-dessous).

«Mieux vaut tard que jamais»

Ce courrier alarmant est pourtant loin de surprendre Maria. Cette maman de deux élèves dénonce des dysfonctionnements depuis plusieurs années. «Mieux vaut tard que jamais», s’exclame la mère célibataire. «Cela fait cinq ans que mes enfants sont là-bas, trois ans que la situation s’est fortement dégradée. Jusqu’à présent, la seule réponse a été que mes enfants sont des menteurs!»

Agés de 12 ans, ses jumeaux sont nés prématurés et ont des troubles de la motricité et du langage. Suite à un AVC, son fils est hémiplégique du côté droit. «Ce sont des enfants différents et très sensibles», précise Maria. Pas question pour autant de ne pas leur offrir le meilleur. Epaulée par une équipe de médecins et de thérapeutes, elle a mis en place une structure de stimulation. «Maintenant, mon fils nage, marche et danse. Ma fille fait du ballet et tous les deux jouent du piano, sont très doués en dessin et en informatique», insiste cette maman.

Autant d’efforts qui, selon Maria, sont en partie ruinés par l’incompétence de la direction de l’école. «Ces deux dernières années, l’enseignante de mon fils lui criait dessus et exigeait qu’il utilise sa main droite paralysée. Des propos dégradants et humiliants ont été proférés à son encontre. J’ai demandé plusieurs réunions avec la direction et les enseignants. Au lieu de cela, le directeur a décidé de voir mon fils en tête à tête et lui a mis la pression. Résultat: quand il rentrait à la maison, il restait muet et pleurait.»

Plainte déposée

En septembre 2021, un incident met le feu aux poudres. «L’école paie le taxi pour emmener et ramener les enfants de mon domicile à l’établissement», indique Maria. Ce jour-là, le chauffeur habituel est en vacances. «La responsable des transports a appelé un remplaçant. Il est venu avec un véhicule pour 4 alors que les enfants étaient 5.»

Entassés à l’arrière, sans ceinture de sécurité, les écoliers tentent de se faire une place. «Il y avait un nouveau. Il a été renvoyé du cycle d’orientation car il avait un comportement très violent», raconte la maman. Sur la banquette arrière, les esprits s’échauffent. «Et le nouveau a mis un coup de poing à ma fille, lui arrachant une dent. Loin de s’arrêter, le chauffeur a poursuivi sa route. Il a déposé mes enfants sur le trottoir et est reparti comme si de rien n’était.» Maria explique avoir déposé une plainte pénale. Une ordonnance de non-entrée en matière a été rendue le 1er octobre.

«Vous n’avez qu’à les mettre ailleurs!»

Encore ébranlée par cet épisode, Maria interroge: «Quelle est la responsabilité de l’école? Que font-ils pour protéger les enfants qui leur sont confiés?» Fervente défenseuse de l’école inclusive, cette mère engagée stipule: «L’école compte une trentaine d’élèves. Ils sont 6 à 8 par classe.» Le taux d’encadrement est de un adulte pour trois enfants. «Avec autant d’encadrants, comment est-il possible que des comportements violents et des actes de vandalisme aient lieu?»

Ayant à plusieurs reprises tenté d’alerter la direction, de faire changer son fils de classe et de trouver le moyen de rendre la scolarité de ses enfants plus sereine, Maria est aujourd’hui à bout. «La direction m’a clairement dit: “Vous n’avez qu’à les mettre ailleurs!” J’aimerais beaucoup mais où?» lâche-t-elle, désespérée. Et de regretter le fait d’être «coincée» dans un système où les places dans le public sont rares et celles dans le privé très chères. Une problématique qui se poursuit au Cycle d’orientation.

«Nous n’avons jamais eu de plaintes»

MP • Interrogé sur la hausse de la violence au sein de son école, le directeur de La voie lactée, Roland Russi explique: «Les troubles psychiques des élèves s’expriment souvent par des difficultés relationnelles et de comportement.» A propos du courrier du 25 février, il précise qu’il s’agit de «difficultés entre plusieurs élèves lors de moments hors classe (cour de récréation, repas de midi, moment de transition lors de l’entrée ou la sortie l’école), qui nous ont amené à sensibiliser toute l’école» et à convoquer le conseil d’école extraordinaire.

Selon lui, des rencontres avec les parents sont prévues au minimum quatre fois par an. Plus si nécessaire. «Nous n’avons jamais eu de plaintes», ajoute-t-il. Quant au personnel, identique depuis 2010, il est doté d’une formation reconnue par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique.

En tant qu’entité de pédagogie spécialisée subventionnée par l’Etat, La voie lactée est surveillée par la direction de la coordination des prestations déléguées et de la surveillance de l’office de l’enfance et de la jeunesse.

Suite aux difficultés rencontrées, le Département de l’instruction publique (DIP) n’a pas été contacté, «car elles sont de notre ressort», poursuit le directeur. Ce que confirme le DIP. Le porte-parole, Pierre-Antoine Preti précise que La voie lactée est certifiée Quality school certificate (QSC). Il indique aussi que, lors de la conférence de presse du 3 mars, la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta a «insisté sur le renforcement de la surveillance dans toutes les institutions spécialisées du canton, y compris les institutions subventionnées».