Covid: un restaurateur entre en guerre contre son assureur

Le patron de l’Odéon a entamé une procédure judiciaire pour que son assurance l’indemnise pour les charges liées aux fermetures ordonnées par les autorités durant la crise sanitaire. L’assureur refuse de payer.

  • Le restaurateur Benjamin Garin devant son établissement à la Jonction. MP

    Le restaurateur Benjamin Garin devant son établissement à la Jonction. MARIE PRIEUR

Le patron du café-restaurant l’Odéon, à la Jonction, ne lâchera pas le morceau. Benjamin Garin est prêt à poursuivre le combat durant des mois, voire des années si besoin. Car, il en est persuadé: son assurance doit l’indemniser. Et ce, en vertu de la clause hygiène de son contrat souscrit auprès d’Allianz.

Cette dernière stipule que «sont assurés les dommages consécutifs à des mesures ordonnées ou recommandées par les autorités (ndlr: la fermeture étant explicitement mentionnée) afin d’empêcher la mise en danger de la santé de l’homme par des denrées alimentaires ainsi que par des objets usuels et des biens de consommation».

Marchandises à la poubelle

Tout commence à la mi-mars 2020, au lendemain de la première fermeture des bars et restaurants ordonnée par le Conseil fédéral. Se sachant extrêmement bien couvert, Benjamin Garin demande à son assurance de prendre en charge la marchandise qu’il est contraint de jeter, tels que les produits frais mais aussi certains sodas dont la date de péremption est limitée à trois mois et qu’il ne pourra pas écouler à temps.

Son assureur refuse. Idem pour un dédommagement du gel désinfectant ou le remboursement des parois de plexiglass nécessaires à la réouverture dans les semaines et mois qui suivent.

Face à cette fin de non-recevoir, le restaurateur commence à éplucher ses contrats. «J’avais tout mon temps, souligne, un brin ironique, Benjamin Garin. Je me suis rendu compte qu’en fait, ils devaient tout indemniser.» Fort de cette conviction, il lance rapidement les démarches pour éviter les problèmes de prescription.

250’000 francs

Selon les calculs de Benjamin Garin, son assurance doit couvrir ses pertes nettes à hauteur de 250’000 francs pour les trois périodes de fermeture. «Ils ont peur que cela ouvre les vannes mais je ne lâcherai pas, insiste-t-il. Les assureurs ont été les grands absents durant cette crise. Ils ont laissé les autorités indemniser. Par contre, ils ont continué à encaisser les cotisations!» Soit, en ce qui le concerne, pas moins de 6000 francs.

«Procès pilote à Genève»

Interrogé par nos soins, Allianz refuse de commenter cette affaire judiciaire en cours. Cependant, le porte-parole, Bernd de Wall, explique au sujet de l’assurance hygiène: «Elle protège notamment les hôtels et les entreprises de la gastronomie contre le risque que des denrées alimentaires ainsi que des objets usuels ou des biens de consommation menacent la santé humaine. Si une autorité ordonne par exemple la fermeture de l’établissement en raison d’une telle mise en danger, l’assurance hygiène couvre les conséquences financières. Néanmoins, l’assurance hygiène ne fournit aucune protection en cas de fermeture d‘entreprise liée à des maladies transmissibles, des épidémies ou des pandémies (comme celle du Covid-19).» Un argumentaire qu’Allianz a avancé lors de la conciliation en mars 2021.

Me Emilie Conti Morel et son client, le restaurateur Benjamin Garin, ont donc saisi le Tribunal de première instance. Aux yeux de l’avocate, «tout dépend de l’interprétation que l’on fait des conditions générales. Selon nous, les conditions d’indemnisation sont remplies au vu notamment du risque de transmission du virus par des surfaces, donc par des objets usuels et des biens de consommation.» Rappelant que des procédures de ce type sont en cours en Suisse alémanique, l’avocate évoque un «procès pilote à Genève», qu’elle compte bien gagner pour le patron de l’Odéon mais aussi pour nombre d’autres restaurateurs qui sont dans la même situation.