«Pour aller à Rive depuis Vessy, je mets deux fois moins de temps avec ma voiture qu’avec le bus 41», lance Astrid, habitante du chemin des Marais. Malgré les difficultés pour se garer et pour circuler, la trentenaire privilégie systématiquement son véhicule pour se rendre dans les Rues-Basses. «Même s’il y a des bouchons, je vais plus vite qu’avec le bus, qui, lui aussi, est souvent bloqué par le trafic. Et puis il faut faire un changement à Veyrier, ce qui n’est pas pratique», justifie la jeune femme.
Loin d’être isolé, son constat est partagé par de nombreux habitants du canton: de Chancy à Collex-Bossy, en passant par Bardonnex ou encore Puplinge, l’automobile rivalise avec les transports en commun pour rejoindre le centre-ville rapidement. Si les trams sont souvent la meilleure option pour se déplacer au centre, la périphérie apparaît bien souvent délaissée, à l’exception notable des communes desservies par le Léman Express (lire ci-dessous).
Pour vérifier ce postulat, nous avons comparé différents trajets vers le centre-ville à l’aide des principales plateformes (Google Maps, Waze…), selon qu’on les parcourt en voiture ou en bus. Précision importante, cette comparaison a été effectuée sans tenir compte des bouchons ni des temps de retard des Transports publics genevois (TPG). De quoi avantager sensiblement les deux modes de transport.
Le constat est sans appel. Pour l’écrasante majorité des trajets étudiés, la voiture permet de gagner un temps considérable, allant du simple au double dans les cas les plus flagrants. Notre comparaison nous enseigne que pour rejoindre le centre-ville depuis Veyrier, il faut compter environ 20 minutes en TPG, contre seulement 11 mn en voiture. Même chose depuis Chancy. Là, il faut 52 mn pour gagner Rive avec le bus K, contre 35 en s’y rendant en voiture. Certains quartiers sont toutefois avantagés par rapport à d’autres, notamment lorsqu’ils bénéficient d’une ligne de tram (comme Moillesulaz) ou d’un arrêt de train (Chêne-Bourg).
«Les enquêtes montrent que la population est souvent opportuniste dans le choix de son moyen de transport. Son principal critère reste le temps. Et, de ce point de vue, la voiture demeure clairement plus compétitive, notamment d’un site périphérique à l’autre», commente Yves Gerber, directeur de la section romande du Touring club suisse (TCS). Partisan d’une intermodalité, soit le fait de combiner les différents modes de déplacements, le TCS milite en faveur d’une offre séduisante pour tous les moyens de transport. Quelle solution pour rétablir la balance et rendre les transports en commun plus incitatifs? D’après le TCS, la traversée du lac est une première réponse. «Cela permettrait de réduire de 11% le trafic au centre-ville», estime le directeur.
Autre solution: réaliser des hubs multimodaux plus loin du centre. «Aujourd’hui, le réseau TPG est conçu de sorte à faire converger tous les usagers vers l’hyper centre. Créer des pôles excentrés permettrait de désengorger les centres-villes.»
Le TCS défend également une flexibilisation des horaires de travail, qui permettrait d’étaler le trafic sur une période plus longue et de réduire les impacts négatifs. Enfin, l’association se dit en faveur du télétravail, également susceptible d’alléger le trafic. «Mais attention à ses effets pervers, met en garde Yves Gerber. Il existe un risque que des personnes qui travaillent ici aillent s’installer encore plus loin. Leur empreinte carbone resterait la même!»
De leur côté, les TPG défendent leur offre. Concernant l’axe Veyrier-Rive évoqué plus haut, la régie de transport rappelle que ses bus bénéficient de plusieurs voies de bus prioritaires. «De ce fait, notre offre est sans conteste une alternative très crédible à la voiture», considère François Mutter, porte-parole des TPG. Il avance de nombreux autres avantages: «Utiliser les TPG permet de limiter la pollution atmosphérique, faire des économies financières importantes, poursuivre sa journée de travail en traitant ses courriels, connaître à l’avance son lieu de départ et d’arrivée ou encore éviter de devoir chercher une place de parc à son arrivée.»
Par ailleurs, la régie de transport affirme œuvrer à faire baisser les temps de parcours, par exemple en demandant davantage de voies prioritaires ou des feux de circulation mieux adaptés. «Nous travaillons en étroite collaboration avec le Département des infrastructures pour améliorer notre vitesse commerciale, qui dépend surtout de facteurs extérieurs à notre entreprise», souligne François Mutter. Pour l’heure, la vitesse commerciale théorique des véhicules TPG est fixée à 16,3 km/h pour 2023, en recul de 0,07 km/h par rapport à 2022.
De quoi faire sourire les nombreux habitants des périphéries, à l’image d’Astrid. «Bientôt on ira plus vite à pied qu’en bus. Bref, je ne suis pas près de vendre ma voiture», plaisante-t-elle.