Fausse monnaie: un fléau genevois!

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    Fausse monnaie: un fléau genevois!

Le 2 septembre 1552, un curieux voyageur arrivait à Genève. Il descendit avec ses deux valets dans une auberge du Bourg-de-Four sous le nom de Georges de Laye. Mis sous surveillance par la police, notre homme était arrêté le 9 septembre dans un atelier qu'il avait aménagé près de la Madeleine. Un four était allumé dans la pièce et des moules qu'il avait commandés à des artisans de la ville rougissaient au feu.

Enquête genevoise

De Laye déclara qu'il se préparait à faire de la «vraye et bonne» monnaie pour le comte Michel de Gruyère mais, manque de chance, le graveur du comte était justement à Genève et contesta cette version des faits. Dans les jours qui suivirent, les autorités judiciaires menèrent une enquête approfondie sur le suspect. On apprit que cet étrange personnage, originaire de Vienne en Dauphiné, possédait plusieurs noms: de Laye, Battonat et vicomte de Bourges. Après un premier interrogatoire, l'accusé prétendit être un alchimiste capable d'effectuer la transmutation du plomb en or ainsi que docteur en médecine.

Cinq femmes!

En peu de temps, les juges genevois découvrirent qu'il semblait être marié à une «damoyselle Jacquete du Mazour» dans la ville d'Alès, à Louise de la Croix à Bordeaux, à Isabeau le Gendre à Avignon et à Mademoiselle des Asses à Paris qu'il aurait égorgée après avoir empoisonné son père! En plus, on le suspectait d'avoir mis enceinte et promis le mariage à une femme près de Lyon. Battonat ne reconnut que le mariage avec Jacquete et nia tout le reste, y compris d'avoir fait de la prison à Paris et d'avoir été condamné aux galères à Lyon. Ce n'était pas tout: dans les bagages de Battonat, on trouva un curieux grimoire censé servir à la fabrication d'un anneau magique ainsi que de nombreuses drogues comme de l'arsenic. Les juges commençaient à penser que cet alchimiste et faussaire pouvait aussi bien être un dangereux sorcier. Alors que les semaines passaient et que le vicomte s'obstinait à tout nier, les juges décidèrent d'en venir à la «question extraordinaire», c'est-à-dire la torture. Rapidement, la douleur associée au parfum du bûcher conduisit Battonat à avouer qu'il avait bien l'intention de fabriquer de fausses pièces de monnaie. Il s'agissait de «Nobles à la Rose», une monnaie anglaise qui avait cours en Europe mais qui ne mettait pas directement en cause les intérêts de Genève. En revanche, il niait tout acte satanique.

Une tête coupée sur le Pont d'Arve

En janvier 1553, certains magistrats genevois lassés des «vacillations et évidentes menteries» du prisonnier préconisèrent la peine de mort. Et, compte tenu des soupçons de sorcellerie qui pesaient sur lui, ils proposèrent de le brûler vif… Pourtant, en général, on pratiquait plutôt la décapitation. Cela avait été le cas en avril 1551 pour Gaspard de la Barde, convaincu de faux monnayage et décapité à Champel. Sa tête fut ensuite exposée au Pont d'Arve, gracieusement décorée d'un collier de fausses pièces de monnaie! En fin de compte, Battonat s'en sortit plutôt bien car il fut condamné à être fouetté et battu jusqu'au sang. De plus, on lui grava sur le front les armoiries de Genève au fer rouge avant de le jeter hors de la ville avec promesse de la peine de mort s'il y remettait un jour les pieds… Bien des années après, en 1648, un gentilhomme napolitain était brûlé vif sur la plaine de Plainpalais comme sodomite et «faiseur de fausse monnoye». On le voit, la justice genevoise d'autrefois savait se montrer imaginative pour punir les faux-monnayeurs, elle avait même souvent l'allumette facile…