Fortes inquiétudes autour du poste de «Madame égalité» au DIP

Grogne sur les réseaux sociaux et indignation de nombreuses associations qui se mobilisent pour le maintien de ce poste crucial. Le Département de l'instruction publique, de son côté, se veut rassurant.

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«Attitude ambiguë du DIP»; «Pression scandaleuse sur des lanceuses d’alerte»; «Un signal désastreux et indigne.» Les réactions émanant principalement de la gauche fusent à la suite des révélations de la RTS. En cause: plusieurs plaintes pénales à l’encontre de deux femmes qui avaient défendu des victimes face au dérapage à caractère sexuel d’un professeur du collège de Saussure. 

L’une des deux n’est autre que Madame Egalité du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP), Franceline Dupenloup. Elle a été entendue fin août comme personne appelée à donner des renseignements suite notamment à la plainte contre X déposée par le DIP en mars 2018 pour violation du secret de fonction.

Pour son avocat Me Romain Jordan, la fonctionnaire «a toujours travaillé dans le respect des institutions et n'a évidemment aucun reproche à se faire. Son travail a toujours été unanimement loué. Sa mise en cause gratuite ne peut donc que choquer.»

«Une interlocutrice privilégiée» 

Cette affaire juridique intervient alors que l’inquiétude grandit face à la potentielle disparition du poste d’adjointe de direction à la promotion de l’égalité, prévention de l’homophobie et de la transphobie au DIP. Soit le poste de «Madame égalité», occupé actuellement par Franceline Dupenloup. Cette dernière part en effet à la retraite fin novembre et personne n’a été désigné pour la remplacer. Plusieurs associations ont écrit au DIP pour s’en alarmer. A l’image de la Fédération genevoise des associations LGBT qui souligne l’importance de conserver «une interlocutrice privilégiée et facilement identifiable» et que ce poste soit occupé par «une personne formée (…) qui dispose d’une expérience de collaboration effective avec les partenaires institutionnels et associatifs sur cette thématique ainsi que de terrain avec les écoles».

Même son de cloche du côté de la commission consultative de l’égalité. La CCE exprime sa «forte inquiétude quant à l’avenir du poste». Sa présidente, la directrice du Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences (BPEV), Colette Fry, estime que «l’identification d’un interlocuteur ou une interlocutrice expert(e) en charge de cette thématique au sein du DIP revêt une importance cruciale». Et de solliciter l’appui de la magistrate de tutelle du BPEV, la conseillère d’Etat Nathalie Fontanet, en faveur du maintien de ce poste au DIP.

Toujours dans le même but, une question urgente écrite devrait être déposée au Grand Conseil par la députée verte, Isabelle Pasquier. «Il ne faut surtout pas que ce poste disparaisse», réagissent les représentantes des Meufs. L’association de collégiennes dénonce le harcèlement sexuel et le sexisme dans les établissements scolaires genevois.

«L'action du DIP ne se base pas sur un seul poste»

Face à cette inquiétude croissante, le DIP se veut rassurant: «Concernant la politique de l'égalité, l'action du DIP ne se base pas sur un seul poste mais bien sur le travail de tous les collaborateurs et de nombreux partenaires extérieurs, indique Pierre-Antoine Preti, secrétaire général adjoint chargé de communication. Le travail sur la question de l'égalité va perdurer et s'élargir à l'ensemble du département. Des moyens supplémentaires sont d'ores et déjà prévus.» Un nouveau dispositif est en cours d'élaboration. Il rappelle la création de plusieurs outils tels que la ligne Abus-Ecoute. «Le DIP est aujourd'hui plus serein en matière de réponse à une éventuelle attitude inadéquate des professionnels et des adultes entourant nos jeunes et élèves». Et d'insister: «Aucune alerte n’est de trop en matière d’abus identifié dans le cadre scolaire.»

«Un devoir de lanceur d’alerte»

Alors pourquoi avoir porté la plainte en mars 2018? «A cette époque-là, le DIP subissait des attaques répétées concernant différentes affaires de mœurs passées et présentes, dans un climat médiatique et institutionnel pour le moins délétère, explique Pierre-Antoine Preti. Dans le souci de protéger les victimes (fragilisées par l’existence de fuites et de potentiels vices de forme dans la procédure) et les collaborateurs, il s’agissait alors de clarifier le message, de repréciser les règles et de rappeler le cadre légal.»

Pas de quoi convaincre l’avocat de Franceline Dupenloup, Me Romain Jordan: «Beaucoup de monde était au courant au DIP et, qui plus est, les familles des collégiennes ne sont pas soumises au respect du secret de fonction et ont donc pu, choquées par l'inertie de la conseillère d'Etat, se décider à parler à la presse. Enfin, même s’il devait y avoir eu révélation d'un «secret», on devrait alors se poser la question: n'existe-t-il pas un devoir de lanceur d’alerte en pareille situation?»

Une question désormais entre les mains du procureur qui doit décider de poursuivre ou de classer.