A l’heure de tirer le rideau de leurs bars et restaurants un mois durant, les patrons comme leurs employés font grise mine. Lundi 2 novembre, midi, on trinque une dernière fois en finissant les bouteilles de vin avant de plier la terrasse et de nettoyer les fourneaux. Le désespoir se lit dans les regards. La colère dans les discours. Notamment dans ceux des membres du Groupement professionnel des restaurateurs et hôteliers (GPRH). Ce dernier se réunit mercredi 4 novembre en vue d’une communication en fin de semaine.
Après l’étonnement, la colère
Son président (depuis un mois), Anthony Castrilli, patron de la Taqueria, de l’Osteria Zaza et de Cinecittà, nous en livre les grandes lignes. «Une deuxième fermeture en moins d’un an, cela devient impossible! Il faut que les autorités assument les conséquences financières de leurs décisions», lance-t-il.
Lors des annonces du dimanche 1er novembre, c’est d’abord la surprise. «Lorsqu’on entendait les chiffres, on avait l’impression qu’avec les mesures sanitaires que l’on appliquait, il y avait peu de contamination dans nos établissements. Et, malgré cela, ils nous ferment du jour au lendemain!»
Après l’étonnement, la colère pointe. «On a joué le jeu. On a investi pour mettre en place des mesures sanitaires: gel, parois en plexiglas... J’allais même commander des chaufferettes à 2500-3000 francs pièce pour équiper ma terrasse», raconte Anthony Castrilli.
Autre problème immédiat à gérer: l’écoulement des stocks. «J’ai commandé 80 kilos de fromages à fondue la semaine dernière», se lamente Vincent Glauser assis à la terrasse de son restaurant, Chez le Père Glôzu. La problématique est la même au Vino Olio Caffè. La patronne, Helena Rigotti, vice-présidente du GPRH ne décolère pas: «On a annulé toutes nos commandes à la dernière minute. Je pense aussi à nos fournisseurs: maraîchers, vignerons, bouchers... pour qui c’est un énorme coup dur.»
«La vente à l’emporter n’est pas une solution»
Ce qui agace aussi fortement le GPRH, c’est le fait de présenter la vente à l’emporter comme une solution de remplacement «C’est un sussucre qu’on agite pour faire passer la pilule, s’indigne Anthony Castrilli. Mais primo, on ne peut pas tous faire nos plats à l’emporter. Quid de la fondue? Des tacos qui arrivent tout mous à domicile? De plus, [les sociétés de livraison à domicile] Uber Eats ou Smood prennent environ 30% sur la vente. Enfin, si on choisit cette option, on perd certaines aides, telles que l’exonération de loyer.»
Aux yeux du président comme de la vice-présidente, les autorités cantonales et fédérales doivent à tout prix soutenir financièrement la branche au risque de voir celle-ci s’écrouler. Une rencontre a eu lieu mardi 3 novembre entre les milieux économiques et la conseillère d’Etat Nathalie Fontanet. Et une ligne d’information répond aux questions des entrepreneurs et patrons (022 388 34 34).
Aux yeux d’Anthony Castrilli, «il faut payer les RHT [réduction de l’horaire de travail] mais aussi nous aider à régler les charges sociales. Aujourd’hui, pour un employé en RHT, on doit payer le 100% des charges sociales.» Et Helena Rigotti de renchérir: «Alors qu’on n’a aucune rentrée d’argent.»
Réserves épuisées
Car, tel est le problème de fond: lors de la première vague, les restaurateurs ont puisé dans leurs réserves pour tenir le coup. «Là, on ferme à nouveau mais, on n’a plus d’argent de côté, commente le président du GPRH. La plupart des assurances n’entrent plus en matière. Et les aides promises sont de plus en plus compliquées à obtenir.»
Reste les prêts Covid. Ces derniers, à taux 0, sont passés de cinq à huit ans. «Nombre de restaurateurs ont déjà tout utilisé», prévient la vice-présidente. «Ce ne sont plus des prêts qu’il faut mais une aide à fonds perdu!» insiste Anthony Castrilli. En jeu: la survie des établissements mais aussi la vie des restaurateurs. «Certains sont très déprimés et pourraient ne pas s’en remettre», affirme pudiquement le duo.