Un campement solidaire s’installe à Satigny

L’association la Caravane sans frontières se bat depuis des mois pour offrir un refuge à des personnes sans domicile fixe. Depuis dimanche 11 avril, c’est le cas au camping du Bois-de-Bay. Reportage.

  • de l’association. AURéLIEN FONTANET

    Une des caravanes du campement. Le photographe Aurélien Fontanet suit les activités de l'association. AURÉLIEN FONTANET

  • AURÉLIEN FONTANET

«Ici, c’est mieux que rien! C’est un endroit pour dormir, éviter de traîner dans la rue», résume Ali. Le sourire aux lèvres, le jeune Marocain s’active dans tous les sens. Accompagné d’autres bénéficiaires et de bénévoles de l’association la Caravane sans frontières, il participe à la mise en place du campement. Depuis vendredi 9 avril, dans le camping du Bois-de-Bay, à Satigny, des caravanes et des tentes ont investi les lieux. Le but: accueillir 30 personnes sans-abri dès dimanche 11.

L’association, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, a acheté trois caravanes, deux pour accueillir des familles et une en guise de bureau. Tandis que des tentes ont été offertes par les scouts. «Le point fort de la Caravane, c’est qu’en peu de temps, elle parvient à mobiliser et à mettre un truc en place. Là, l’urgence, c’est le logement, car, qui plus est, le froid perdure», souligne Tabata Schmidhauser, de la fondation Haas, qui soutient cette action.

Le sleep’in (lire l’encadré) est devenu le camp’in et ce pour les cinq prochains mois. «De la rue à la campagne! D’autant qu’on a tendance à l’oublier mais le besoin de logement existe même pendant la saison chaude», insiste Aurélien Fontanet, membre de la Caravane et photographe.

Dès vendredi, les tentes ont poussé comme des champignons. Wifi, la chatte d’un résident du camping, est déjà venue voir qui sont ses nouveaux voisins.

A la recherche d’un food truck

Samedi à midi, c’est au tour de la grande tente centrale de s’élever. Dessous se tiendront les repas. «On cherche d’ailleurs un food truck (un camion restaurant) pour que le chef Walter el Nagar, qui offre les repas depuis octobre 2020, puisse venir les servir au Bois-de-Bay», lance Silvana Mastromatteo, fondatrice de l’association.

L’un des bénéficiaires, Danny, arrivé à Genève en juin 2020, joue les maîtres d’œuvre pour le montage de l’immense toile. Maçon de profession, il espère mettre bientôt ses talents à contribution sur les chantiers du canton. En attendant, il est reconnaissant d’avoir un lieu pour dormir. «C’est bien, c’est sûr, mais c’est loin du centre, lâche-t-il. En même temps, tu passes une journée à faire le tour des boîtes d’intérim et puis après, tu attends qu’on t’appelle. En ce moment, c’est pas facile...»

«Tous des êtres humains»

Ludo, arrivé de Toulouse (France) en décembre, voudrait bien, lui aussi, trouver du travail ou encore une formation «pour devenir coach sportif». De son téléphone sort un morceau de rap, pendant qu’il creuse une rigole censée détourner les éventuelles eaux de pluie. A 24 ans, il a déjà dormi sous tente mais aussi en abri PC et avant cela, dans sa voiture. «Il faut essayer de s’en sortir, de ne pas être infantilisé», estime le jeune homme. C’est aussi dans ce but que la Caravane apporte un suivi personnalisé à chaque bénéficiaire en vue de sa réintégration sociale.

Au camping, des vestiaires hommes et femmes, des douches ainsi que des lave-linge sont à disposition. L’ambiance est bonne entre tous ces bénéficiaires en majorité masculins, et d’horizons divers. «On a des cultures, des religions et des croyances différentes mais on est tous des êtres humains», sourit Ludo avant de se remettre au boulot.

Des Vernets au Bois-de-Bay

Pour l’association la Caravane sans frontières, le camp’in, c’est la suite d’un combat commencé il y a des mois. D’abord avec les distributions d’aide alimentaire dans la rue et aux Vernets dès le début de la pandémie puis, cet hiver, avec des maraudes et l’ouverture début décembre d’un sleep’in, soit un dortoir, à la paroisse protestante de la Servette-Vieussieux. «Lorsqu’il a fallu fermer ce sleep’in, le 23 mars, on a pu loger 28 personnes à l’hôtel durant un mois, notamment grâce à un généreux donateur», explique Silvana Mastromatteo, fondatrice de l’association. Seulement voilà, cette solution arrivait, elle aussi, à échéance ce dimanche 11 avril. «On ne pouvait pas se résoudre à les remettre à la rue! poursuit-elle. Ils sont en train de remonter la pente. On ne peut pas les laisser.» Remuant ciel et terre, l’association a trouvé refuge au camping du Bois-de-Bay.