«Le streaming n’est pas une concurrence pour le cinéma»

Avec la pandémie, les salles obscures vivent une période compliquée. Exploitant des cinémas Empire et Ciné 17, Didier Zuchuat reste cependant convaincu que le grand écran a encore de beaux jours devant lui.

  • Contrairement aux séries, les films sont faits pour être vus sur grand écran. DR/123RF/DOLGACHOV

  • Didier Zuchuat, exploite les cinémas Empire et Ciné 17. DR

Lors des divers semi-confinements, les cinéphiles se sont précipités sur les plateformes de streaming. Une situation qui n’inquiète pas Didier Zuchuat, exploitant des cinémas Empire et Ciné 17, alors que les salles ont rouvert avec un nombre limité de spectateurs. Il estime que la complémentarité de ces canaux est une bonne nouvelle pour la création cinématographique.

GHI: Depuis plus d’un an, la pandémie a bouleversé nos vies. Comment vivez-vous cette période sur le plan personnel?
Didier Zuchuat:
Comme la gestion de salles de cinéma est une activité assez astreignante, notamment au niveau des horaires, j’ai profité de bien me reposer au grand air à la montagne et de ranger, toutes les choses que l’on laisse de côté pour plus tard!

– Et sur le plan professionnel?
J’ai inscrit tous mes employés aux mesures prévues pour la réduction de l’horaire de travail tout en gérant les aspects administratifs assez complexes avec mes associés qui ont continué à entretenir les locaux et les équipements techniques.

– Quelle est la situation financière de vos cinémas?
Les cinémas ont été indemnisés dans le cadre des mesures mises en place pour les entreprises culturelles à hauteur de 80% de leurs frais de fonctionnement. Diverses aides ponctuelles pour les loyers et autres charges ont été heureusement octroyées ainsi que le prêt sans intérêt garanti par la Confédération.

– Est-ce suffisant?
Non. Il a été nécessaire de puiser dans nos réserves financières heureusement bien suffisantes grâce à un excellent exercice 2019 ainsi que de très bons résultats les deux années précédentes. Malheureusement, l’Administration fiscale cantonale a profité de la situation pour nous taxer de manière inique sur les bons résultats sans vouloir prendre en considération les provisions constituées pour affronter la pandémie annoncée au printemps 2020. Notre expert-comptable a formulé une réclamation dans les délais, mais elle est restée sans réponse à ce jour et cela conditionne la poursuite de nos activités.

– Vos employés sont-ils parvenus à rester motivés?
Très motivés et tous nous l’ont fait savoir en continuant à venir nous rendre visite régulièrement et aussi en nous donnant des coups de main spontanés et ponctuels: nos onze salariés sont très attachés à nos deux cinémas.

– Y aura-il un effet d’embouteillage au niveau des sorties de films ces prochains mois?
Lorsque le système de distribution sera remis en service au niveau international, les films vont retrouver le rythme de diffusion global qui convient aux productions les plus importantes au niveau commercial. Et d’ici là, une sélection de films de qualité nommés pour des récompenses et qui n’ont pas encore été montrés au cinéma vont bénéficier d’une belle sortie comme Mank de David Fincher qu’il faut vraiment voir dans une salle et pas sur une tablette pour apprécier tous les détails de la mise en scène.

– Les gens se sont habitués à voir des films sur les plateformes de streaming. Cela vous inquiète-t-il?
Pas le moins du monde, car plus les images circulent via tous les canaux possibles, meilleur c’est pour la création. La fréquentation des salles de cinéma reste la vitrine pour découvrir les films prévus pour le grand écran alors que les séries sont faites pour être vues sur le petit. Le streaming a tout simplement remplacé les galettes (DVD, Blu-ray) qui avaient sonné le glas des cassettes (VHS, Betamax). La diffusion télévisuelle à heure fixe a plus de souci à se faire à mon avis!