Maltraitance: nos ainés sont-ils à l’abri?

Les institutions pour personnes âgées affirment que les contrôles préviennent les dysfonctionnements. Les résidents en EMS et bénéficiaires de l’Imad mais aussi leurs proches sont capables de donner l’alerte. En cas de plaintes, des mesures sont prises rapidement.

  • De nombreux mécanismes de contrôle sont déployés pour protéger les personnes âgées. 123RF

    De nombreux mécanismes de contrôle sont déployés pour protéger les personnes âgées. 123RF

«Même si le risque zéro n’existe pas, ce qui s’est produit au foyer de Mancy ne pourrait pas arriver dans un EMS genevois»

Jean-Marc Guinchard, secrétaire général de la Fegems

Depuis les révélations de «l’affaire Mancy», du nom du foyer pour jeunes autistes, Genève découvre avec effarement le manque de mécanismes de contrôle en cas d’abus dans certains établissements spécialisés pour enfants. De tels dysfonctionnements pourraient-ils se produire ailleurs, par exemple au sein des institutions s’occupant des aînés?

«Même si le risque zéro n’existe pas, ce qui s’est produit au foyer de Mancy ne pourrait pas arriver dans un établissement médico-social (EMS) genevois», affirme catégoriquement Jean-Marc Guinchard, secrétaire général de la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux (Fegems), qui regroupe sept EMS. «Nous sommes soumis à la loi sur la gestion des établissements des personnes âgées ainsi qu’à une dizaine de directives.»

Trois niveaux de contrôle

Concrètement, trois niveaux de contrôles existent. Tout d’abord, des audits sont menés régulièrement dans chaque structure par le Service d’audit interne de l’Etat. Ce à quoi il faut ajouter une surveillance financière, conduite par le Département de la sécurité, de la population et de la santé.

Enfin, un contrôle est effectué par les infirmiers rattachés à la Direction générale de la Santé (DGS). Sont vérifiés notamment l’aspect organisationnel et la qualité des soins. De même que l’existence et le respect du projet institutionnel. «Ces différents leviers nous permettent de prendre des mesures immédiates en cas de dysfonctionnement. Grâce à ça, on ne laisse pas pourrir une situation problématique.»

Autre gage de sécurité pour les résidents: la présence des familles à l’intérieur des établissements, notamment à l’occasion des visites. «Les proches sont intégrés à la vie quotidienne, ils sont donc plus à même de déceler des problèmes que dans des institutions davantage fermées, comme c’est le cas à Mancy», explique Béatrice Hirsch, ancienne députée et infirmière responsable des soins dans un EMS. Et de rappeler que les établissements sont sous surveillance de la DGS et régulièrement inspectés.

Béatrice Hirsch souligne également que les résidents, pour la plupart, peuvent s’exprimer. Et aussi se plaindre, si besoin, jusqu’à la direction. «C’est l’immense différence avec le scandale qui touche actuellement le Département de l’instruction publique (DIP), qui concerne un foyer pour des enfants qui ne peuvent pas toujours se faire comprendre verbalement. En EMS, même si on a des résidents parfois malades, ils savent relater ce qui se passe à l’interne», observe l’ancienne présidente du PDC Genève.

Même approche du côté de l’Imad (Institution genevoise de maintien à domicile), où l’on cherche à détecter les facteurs de risque le plus en amont possible. «Identifier les débordements potentiels est un élément clé de la prévention des maltraitances. La prévention et la formation sur ces questions sont primordiales pour nous», affirme Amélie Jamar, adjointe à la direction de la communication. Et d’ajouter que «les soignants font remonter les situations potentiellement problématiques lors des colloques et retours d’expérience».

Quant aux plaintes, qui peuvent être déposées par le patient, sa famille ou un soignant, elles sont traitées par le «Service qualité» de l’Imad. «Les signalements les plus courants concernent des difficultés interpersonnelles ou l’incompatibilité entre un collaborateur et un patient», relate Amélie Jamar. En cas de plainte, l’ensemble des parties sont entendues pour comprendre le contexte.

Dans les cas les plus complexes, des spécialistes de ce type de pratique professionnelle (voire des consultants externes) peuvent participer à l’évaluation et à la mise en place d’un plan d’intervention. Par exemple, un accompagnement spécifique et si besoin une action corrective. Enfin, l’institution de maintien à domicile dispose également d’un Conseil d’éthique: il s’agit d’un groupe de réflexion autonome – composé de consultants externes – qui peut être sollicité en appui.

Formation

«Quand on fait une gaffe, la direction prend tout de suite des mesures», témoigne de son côté Irina, serveuse dans un EMS de la rive droite. J’ai connu au moins deux personnes qui ont été licenciées pour des paroles inappropriées. Elles n’étaient clairement pas faites pour ce métier!», s’exclame la jeune femme.

A-t-elle assisté à des scènes de violence à l’intérieur de l’établissement dans lequel elle travaille? «Oui, mais uniquement de la part de résidents. Lors de nos études et même depuis qu’on travaille, nous avons accès à des formations dispensées par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et par l’Imad, pendant lesquels on nous rappelle l’importance des bons gestes à adopter. Grâce à ça, on sait comment réagir et anticiper lorsqu’il y a une situation difficile. Et surtout, si on assiste à une scène de maltraitance, même verbale, on intervient!», conclut-elle.

Contrainte légitime ou débordement?

Interrogé sur les éventuels cas de maltraitances au sein des institutions s’occupant des personnes âgées, le conseiller d’Etat à la tête du Département de la santé, Mauro Poggia explique: «La question que notre société doit se poser - et notre tolérance à cet égard n’est plus la même que par le passé - est celle de savoir à partir de quand on quitte le terrain de la contrainte légitime pour entrer dans la maltraitance?»
Plus largement, le magistrat s’interroge: «Comment éviter qu’une personne dangereuse pour autrui ou pour elle-même ne passe à l’acte? Il y a certes des situations claires et injustifiables, mais en deça, il y a une zone grise qui doit faire débat, sans tabou».