«Ils m’ont proposé un arrangement pour effacer mon amende!»
Maude, automobiliste
«Il faut payer pour ne pas être dénoncé à la police! C’est un scandale ou plutôt du chantage, voire du racket!»
Maude*, quadragénaire, dénonce une pratique douteuse d’une société de contrôle de stationnement. «Je me suis pris une dénonciation pour un dépassement du temps de parking devant un centre commercial. J’appelle la société pour avoir une explication, et là on me propose tout simplement d’effacer la dénonciation à la police! En deux mots, ils m’annoncent pouvoir annuler cette dénonciation à la police pour autant que je leur paie 30 francs de frais…»
Méthode
Et comment cette société procède-t-elle? «Il faut appeler un numéro surtaxé 0900 à 2 francs l’appel.» En résumé, la société encaisse 30 francs en plus des six francs de conversation, et n’envoie tout simplement pas la dénonciation au Service des contraventions… «N’est-ce pas là du racket à l’Etat?» s’étonne Maude, outrée par ce comportement: «Il est vrai que je ne paie que 36 francs au lieu d’une contravention à 140 francs. Mais j’estime que cette société n’a pas à encaisser de l’argent! Je vais donc déposer une plainte. C’est du racket.»
Et de deux
Un autre automobiliste nous donne une version quasi identique des pratiques de cette entreprise. A la distinction près que lui s’est vu apposer sur son pare-brise une plainte et non une dénonciation. La différence? «Je me suis pris, en décembre, une plainte de cette société pour stationnement illégal sur une case visiteur devant mon immeuble. J’ai tenté de parlementer avec les agents et on m’a alors proposé d’effacer mon amende. En contrepartie je devais leur payer les frais qui s’élèvent à 30 francs. Mais il paraît que c’est légal.»
Deux cas de figure
Les pratiques de la société incriminée dans ces deux cas de figure, sont-elles réellement légales?
Selon la police, il semblerait qu’une sur deux le soit. Explications.
Lorsque des plaintes sont mises sur sur des terrains privés, comme, par exemple les places réservées aux employés d’une entreprise ou aux locataires d’un immeuble, la société agréée par l’Etat peut annuler une plainte sans consulter la police. «Dans ces cas de figure, la société est libre de se faire verser un arrangement pécuniaire à hauteur de l’infraction avec le contrevenant, précise Caroline Widmer, chargée de communication au Département de la sécurité et de l’économie. Ce dernier ne paiera alors pas une amende mais 30 francs correspondant à une indemnité de nature privée, servant en général à couvrir les frais d’intervention de la société.»
Dénonciation
En revanche, dans les cas de dénonciation, comme le cas de Maude, la situation est différente. La dénonciation concerne les terrains privés mais ouverts au public, comme les parkings des centres commerciaux ou l’aéroport. « Elle doit être transmise au Service des contraventions, qui est directeur de la procédure et établira une ordonnance pénale à l’attention du contrevenant, poursuit Caroline Widmer. Dans ce cas, l’auteur de l’infraction ne devrait donc pas pouvoir s’arranger avec la société qui a dénoncé l’infraction.» La police rappelle encore que la société ne touche aucune somme sur le montant que percevra le Service des contraventions. «Une dénonciation arrangée par la société, est dans ce cas totalement illégale», souligne la police.
«Une bulle»
Interrogé, le patron de l’entrepise à Meyrin, reconnaît dans le cas de Maude, que ses services ont commis une bévue: «En principe nous n’entrons pas en matière pour des réclamations concernant des dénonciations, précise le directeur. Comme il existe deux procédures différentes entre les dénonciations et les plaintes, je pense que mon employé a proposé par erreur à cette dame un arrangement qui ne lui était pas destiné. Je le regrette.» Le directeur s’étonne également du fait que cette automobiliste le dénonce à la police: «Je ne comprends pas, elle paie nettement moins en n’ayant pas de dénonciation!»
Mais Maude a tout de même décidé de déposer plainte. Ce qui permettra à la police, une fois le dossier en main, d’ouvrir une enquête.
* Prénom fictif