Genève en chantier(s): une rentrée sous haute tension

Une dizaine de chantiers paralyse le trafic en ville de Genève. De quoi susciter la colère des automobilistes, des cyclistes et même des piétons. Genève reste la championne suisse des bouchons.

  • A deux pas des travaux, la rue Dancet fait les frais de la fermeture du Boulevard Pont-d’Arve avec un bouchon presque permanent. TR

    A deux pas des travaux, la rue Dancet fait les frais de la fermeture du Boulevard Pont-d’Arve avec un bouchon presque permanent. TR

Au bout de l’avenue du Mail, qui borde la plaine de Plainpalais, c’est un véritable piège à automobilistes qui semble avoir été installé sur la route. Après avoir longé la surface orange, les conducteurs qui souhaitent rejoindre le centre-ville ou les nombreux quartiers de la rive gauche se retrouvent coincés. La faute à un important chantier, qui a contraint les autorités à fermer le boulevard du Pont-d’Arve, un axe pourtant très emprunté. Résultat: le trafic se déporte sur la petite rue Dancet, absolument pas adaptée à absorber le trafic, ou sur l’avenue Henri-Dunant, qui borde la Plaine dans l’autre sens. «Comme ça, on a le sentiment d’avoir fait un joli tour de plaine tout en perdant de précieuses minutes. Y’en a marre!», lâche un conducteur, la main sur le klaxon. Mais les automobilistes ne sont pas les seuls concernés. Arrivés à l’intersection, les cyclistes, eux aussi, hésitent entre la droite et la gauche. Certains, trop pressés, privilégient le centre et empruntent le trottoir avec leur monture pour rejoindre la rue de Carouge, ce qui gêne les passants. «On laisse un passage pour les piétons mais même pas un petit emplacement pour nous. Et puis ça manque d’indications, de panneaux. On voit que le vélo n’est pas encore la priorité», regrette Maria au guidon de sa petite reine.

Bouchon qui ne bouge pas

Non loin de là, le quai du Seujet est lui aussi touché par d’importants travaux jusqu’au mois d’octobre. La Ville effectue une réfection de l’étanchéité du parking souterrain et mettre en place un nouveau revêtement phonoabsorbant. Résultat: la fermeture à la circulation du carrefour des Trois-Blanchisseurs et la mise en double sens de la rue du même nom. De son côté, le quai Turrettini est désormais en sens unique en direction de la rue du Temple. Ici, la circulation des cycles est conservée, mais déplacée sur la partie haute de la promenade. Comme à Plainpalais, les klaxons des automobilistes ne sont pas rares. Exaspérés par un bouchon qui ne bouge pas, certains décident même d’effectuer des demi-tours malgré la présence d’une ligne blanche, qui l’interdit formellement. «C’est la dernière fois que je passe ici», lâche un sexagénaire au volant de sa Porsche.

Autre quartier, même galère: à Champel, c’est l’avenue de Miremont qui subit un gros chantier (en deux temps) depuis de longs mois et jusqu’en octobre… 2024! Canalisations, trottoirs, chaussée, plantation de nouveaux arbres, électricité: l’axe qui relie les deux côtés du quartier fait intégralement peau neuve. Après des fermetures ponctuelles, la circulation se fait en sens unique entre l’avenue Louis-Aubert et la rue Albert-Gos. Plusieurs arrêts de bus ont été déplacés. Ici, c’est surtout les riverains qui se plaignent: ils ont déjà connu près de huit ans de travaux pour la gare de Champel toute proche. «C’est comme si on vivait dans un chantier permanent depuis 10 ans. Pourquoi ne pas mieux répartir les travaux sur la durée? Et surtout, pourquoi ne pas faire en sorte de limiter l’impact sur la rentrée?», demande un papa, obligé de slalomer avec sa poussette.

Ne pas trop gêner les habitants

Interrogée sur la prolifération de ces chantiers, la Ville défend son approche. «Nous veillons à effectuer le gros des travaux pendant les vacances d’été, afin de réduire les incidences sur les habitants», détaille Anaïs Balabazan, déléguée à l’information et la communication du Département de l’aménagement des constructions et de la mobilité. Ce qui explique pourquoi le gros des travaux s’effectue en juillet, lorsque de nombreux Genevois partent en vacances. Mais ce n’est pas tout. La Municipalité affirme également chercher à limiter la durée des nuisances autant que possible, notamment en se coordonnant avec les Services industriels de Genève (SIG), par exemple au boulevard du Pont-d’Arve. «Profitant de l’ouverture de la chaussée, les SIG installeront un tronçon de câbles électriques souterrains de moyenne tension». Dans le cas de ce chantier particulièrement impactant, les autorités affirment chercher à maintenir la circulation autant que possible, rappelant que la rue de Carouge reste praticable. Ce qui ne les empêche pas de recommander «fortement» aux conducteurs de véhicules motorisés d’éviter ce secteur et de choisir d’autres itinéraires. Et ce en tout cas jusqu’à la mi-octobre, lorsque la circulation sera partiellement rétablie sur le boulevard.

TCS: «Nous sommes le canton qui a le plus de bouchons»

TRANSPORTS • Du côté du Touring Club Suisse (TCS), on suit de près les différents chantiers menés en ville de Genève. Saluant la volonté des autorités d’effectuer les travaux en été pour diminuer les désagréments, l’association estime toutefois qu’on pourrait mieux faire. «Dans certains cas, nous remarquons que la durée des travaux n’est pas optimale. Pour améliorer ce point, il faudrait une meilleure coordination entre les différents acteurs concernés. Surtout lorsqu’il s’agit d’un axe majeur», estime François Membrez, président de la section genevoise du TCS.

Par ailleurs, l’association considère que, dans la mesure du possible, tout doit être fait pour garantir un passage aux vélos. «On a tendance à les ranger dans la même catégorie que les véhicules à moteur. Pourtant, nous avons l’impression que leur laisser un passage serait souvent possible», détaille le représentant du TCS.

Enfin, d’après le TCS, la signalisation pourrait être, elle aussi, améliorée. «Souvent, elle est laissée aux entreprises, qui ne sont pourtant pas des spécialistes de la question. Cette signalisation devrait être vérifiée au maximum par l’Office cantonal des transports», plaide le président.

Qui rappelle également qu’en matière de surcharge du trafic, Genève a déjà atteint sa limite. «Nous sommes le canton qui a le plus de bouchons. Dès qu’il y a une panne ou un accident, certains quartiers sont paralysés. Ce qui nous laisse très peu de marge lorsque des travaux doivent être effectués». TR