Harcèlement obsessionnel: une loi 
plus favorable aux victimes

VIOLENCE • Traques incessantes, courriels à profusion, agressions, 
 des victimes, persécutées dans le monde réel ou sur les réseaux sociaux, témoignent. 

  • Les harceleurs assaillent leur proie sans relâche, notamment sur les réseaux sociaux.

L’an dernier, à Genève, 91 femmes et 61 hommes ont été victimes de harcèlement obsessionnel. Ces chiffres, émanant de l’Office cantonal de la statistique, sont peu représentatifs au regard du phénomène. Même si la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la contrainte permet de punir certains actes relevant du harcèlement obsessionnel, il manquait une disposition topique et spécifique permettant de réprimer ce comportement.
Cependant les choses pourraient changer car un projet de loi a été mis en consultation au printemps. Et lors de sa dernière session, le Conseil d’Etat genevois, favorable à cette nouvelle disposition, a même exprimé son souhait de faire un pas de plus. Consulté par la Commission des affaires juridiques du National, il propose notamment de modifier le texte de telle sorte que le Ministère public n’ait pas à démontrer que la victime a été entravée dans la détermination de sa façon de vivre.

Un véritable calvaire

Le cauchemar d’Eva débute à l’âge de 16 ans. A la suite d’une dispute, sa meilleure amie la harcèle, notamment via les réseaux sociaux. Puis son ex-petit ami s’en mêle. Ainsi que plusieurs copains du duo infernal, qu’elle ne connaît pas. Ils vont jusqu’à la traquer dans les rayons du supermarché où elle travaille. «Je ne l’ai pas dit à ma mère, tellement j’avais l’impression de vivre dans une autre dimension, se souvient-elle. Je n’ai même pas réussi à en parler à mes supérieurs.» Effrayée, isolée, Eva consulte un psychologue. «J’ai aussi posé des mains courantes. Même si ça n’a servi à rien, j’ai au moins eu l’impression de faire quelque chose.»  Son calvaire dure depuis cinq ans. Si aujourd’hui, les choses se sont apaisées, elle reste méfiante. «Ce sont des malades, un rien pourrait les pousser à recommencer.»

Via les réseaux sociaux

Le harcèlement obsessionnel ou stalking se manifeste sous de nombreuses formes: menaces, insultes, messages, appels téléphoniques, courriers ou usages abusifs des réseaux sociaux parfois via des faux profils, divulgation d’informations sur la toile. Les harceleurs assaillent leur proie sans relâche. Il arrive même qu’ils la prennent en filature ou espionnent ses moindres faits et gestes en ligne ou dans le monde réel. Mais la liste ne s’arrête pas là. Des auteurs contactent des tiers pour obtenir des informations ou faire passer des messages à la victime. Ils s’emparent aussi de son courrier, et profèrent même de fausses accusations sur elle auprès de la police ou de son employeur. Certains cas font état de violation de domicile, de dommages à la propriété voire d’agressions corporelles et sexuelles. Dans les situations les plus graves – 2% des cas – le harceleur peut aller jusqu’à tuer sa victime.

Manque de reconnaissance

Le projet de loi sur le harcèlement obsessionnel réjouit Muriel Golay, directrice du Centre LAVI (Centre de consultation pour victimes d’infractions) à Genève. «Le phénomène est très répandu, y compris chez les plus jeunes, et ce projet devrait nous permettre d’être enfin compétents pour de nombreuses situations où nous ne pouvons actuellement pas aider les victimes, faute d’article pénal applicable», relève-t-elle. Et d’ajouter que si les cas énoncés officiellement sont faibles «c’est en raison de l’actuelle lacune de norme pénale qui a aussi un impact sur le statut de victime. Au sens de la LAVI: il faut que la violence psychologique soit assimilable à de la contrainte 
pour que les faits relèvent de notre compétence. Dans ces conditions, 
les comportements de harcèlement obsessionnel passent quasi systématiquement à la trappe», déplore Muriel Golay. Du côté des victimes, le manque de reconnaissance est aussi lourd à porter que les persécutions.

Assauts incessants

C’est le cas d’Olivier, 29 ans, qui subit les assauts incessants d’une jeune femme croisée à une soirée organisée chez des amis communs. Elle l’attend à la sortie de son travail, lui envoie de longues missives enflammées, ainsi que des cadeaux. «C’est invivable et ça provoque des tensions avec ma copine, se désole le jeune homme. 
Le pire, c’est que personne ne me prend vraiment au sérieux. Un garçon, ça sait forcément se défendre contre une fille.»
En attendant que la loi évolue, la police cantonale préconise de dresser 
une liste des canaux via lesquels les victimes potentielles sont harcelées, de récolter et sauvegarder des preuves (telles que des captures d'écran), puis de déposer plainte.