Schizophrénie numérique

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Pour ne pas être espionné par les géants du numérique, la seule solution consiste à vivre comme un ermite. Idéalement sur une île déserte ou dans un refuge de montagne. Sans smartphone, ni voiture, ni ordinateur, tout en évitant de se balader là où se trouvent des caméras de vidéosurveillance. En d’autres termes, c’est tout bonnement impossible. Mais il nous est difficile de l’accepter.

La levée de boucliers suscitée par le lancement de l’application SwissCovid en dit long sur la schizophrénie de l’époque (lire ci-contre). Nous voulons combattre le virus sans être tracés, mais aussi protéger notre vie privée tout en profitant des derniers outils technologiques. Consulter quotidiennement Google, Facebook ou Instagram, tout en restant invisible sur la Toile. C’est faire preuve d’une naïveté sans borne. Les cookies, ces petits espions que nous acceptons lorsque nous arrivons sur un site, permettent aux sociétés du numérique de tout savoir sur nous. Notre pizza préférée, les prénoms de nos enfants, le jour de la semaine où nous jouons au tennis, notre lieu de travail, bref tout. Demain, «grâce» aux caméras dotées de la technologie de reconnaissance faciale, nos actions quotidiennes seront notées. Un déchet jeté dans la nature? Pénalité de trois points. Nous avons aidé une personne âgée à traverser? Bonus de deux points. Et ainsi de suite. Cette société aux relents totalitaires sera une réalité si nos gouvernements ne prennent pas le problème à bras le corps afin d’instaurer des garde-fous. Car en matière de surveillance numérique, ce sont les seuls qui peuvent opposer une véritable résistance aux géants de la Silicon Valley. Encore faudrait-il qu’ils en aient conscience… et envie.