«C’est une formidable opportunité de trier et de mettre en sécurité dans un véritable coffre-fort ce que la BGE a de plus précieux»
Thierry Dubois, conservateur des imprimés anciens de la Bibliothèque de Genève
«Nous touchons au but. Près de 90% des livres anciens sont étiquetés pour le déménagement. Nous allons respecter les délais. Tout sera prêt pour Noël», se réjouit Thierry Dubois, conservateur des imprimés anciens de la Bibliothèque de Genève (BGE) à la promenade des Bastions. Ce que son ton posé ne dit pas, c’est que le défi que l’institution est en passe de relever est d’une ampleur sans précédent. Le conservateur parle en effet du plus grand déménagement historique de la BGE depuis son transfert du Collège Calvin à Uni-Bastions en 1872. A l’époque, la bibliothèque n’abritait que quelque 72’000 volumes.
Deux millions de livres
Pour bien prendre la mesure du gigantisme de la tâche, il suffit de préciser que les collections de la BGE comptent aujourd’hui, entre ouvrages anciens et modernes, plus de 2 millions de livres. «Mis bout à bout, les rayonnages pour les stocker mesurent près de 60 km de long», s’amuse à chiffrer Thierry Dubois. Sans parler du poids, y compris patrimonial, des trésors inestimables conservés dans des locaux saturés et inadaptés aux exigences de conservation et de sécurité d’une grande bibliothèque publique moderne. Un lieu dédié autant à un public d’experts, de scientifiques, d’étudiants qu’à la population.
Coffre-fort du Carré-Vert
«Pour l’heure, le déménagement ne concerne que les fonds anciens, soit près de 100’000 imprimés antérieurs à 1851, toutes matières et thèmes confondus, précise Thierry Dubois, auxquels s’ajoutent manuscrits originaux, affiches, collections iconographiques, cartes et plans extraits sur la base de notre catalogue informatisé. Au fond, leur transfert au Carré-Vert, prévu en 2019, a été une formidable opportunité de trier et de mettre en sécurité dans un véritable coffre-fort ce que la BGE a de plus précieux. Comme, par exemple, les collections les plus riches au monde d’œuvres de Jean-Jacques Rousseau et de Voltaire, ou le plus ancien imprimé que nous conservions, une édition du De officiis de Cicéron, un incunable sur vélin qui date de 1465.»
Adaptation des horaires
Reste que préserver un tel patrimoine pour les générations présentes et futures est un travail de l’ombre colossal aussi délicat que méticuleux. Pour le mener à bien, la Ville de Genève, en charge de l’institution, a autorisé la BGE à fermer temporairement son service du prêt tous les matins, hormis la salle de lecture. Et cela depuis le mois de février. «C’était nécessaire et largement justifié, explique Thierry Dubois. Cette fermeture a permis à nos équipes de se relayer en permanence, du lundi au vendredi de 9 heures à midi. Entre personnel, étudiants, civilistes et autres temporaires, ce sont près de 90 personnes qui ont travaillé d’arrache-pied sur le chantier.»
Brassage inédit
Bonne surprise… Le brassage inédit du personnel affecté aux différents services de la bibliothèque a permis de créer de nouveaux liens professionnels et une dynamique efficace. «Grâce à cette solidarité, la logistique complexe mise en place fonctionne bien. Nous parvenons à préparer près de 2000 volumes par semaine», explique Thierry Dubois. Avant de conclure: «Pour l’heure, nous sommes dans les clous et devrions avoir terminé le travail d’ici à fin décembre. Ensuite, ce sera aux déménageurs d’entrer en action. Nous, on fera sauter le bouchon pour célébrer. C’est comme ça qu’on dit, non?»