Filles, champagne et corruption à la police

  • Des dizaines d’agents, cantonaux et municipaux, sont dans le collimateur de la justice.
  • A l’origine de l’affaire, l’arrestation d’un patron de sex center par la Brigade financière.
  • L’homme est toujours en prison et son téléphone a révélé des liens très étroits avec des policiers.

  • L’homme arrêté est patron d’une «vitrine» aux Pâquis. CHRISTIAN BONZON

    L’homme arrêté est patron d’une «vitrine» aux Pâquis. CHRISTIAN BONZON

La justice travaille sur des soupçons de corruption, de violations du secret de fonction d’acceptation d’un avantage

Comme GHI l’a révélé samedi 6 avril sur son site, une affaire sans précédent éclabousse la police cantonale, ainsi que la police municipale, en lien avec le quartier chaud des Pâquis. Selon nos informations, des dizaines de policiers sont soupçonnés d’avoir transmis des renseignements indus à un patron de sex center, d’avoir joué le rôle de rabatteur pour ce dernier contre rémunération et d’avoir même participé financièrement à la location d’appartements à des prostituées. Selon la RTS, l’homme aurait de plus fourni gratuitement du champagne et des filles aux agents dans le cadre de partouzes, dont certaines auraient été filmées…

Dénonciation

Comment en est-on arrivé là? Le 14 février dernier – le jour de la Saint-Valentin – on se serait cru dans un épisode de NCIS lorsque des policiers sont venus perquisitionner un sex center de la rue Charles-Cusin, aux Pâquis. L’établissement est resté ouvert depuis lors mais le patron, lui, a été arrêté, dans le cadre d’une affaire de malversation financière. Cet homme, actif dans le milieu de la prostitution depuis plusieurs années, a en réalité été dénoncé au fisc genevois après avoir voulu investir dans un projet immobilier en Valais. Il est arrivé au pays du soleil avec une grosse somme d’argent. Cash. Un procédé qui a interpellé les personnes avec qui il devait entrer en affaire…

Dans le quartier des Pâquis, on décrit le personnage comme «un gars discret», sans histoire. Aucun signe extérieur de richesse si ce n’est la Lamborghini qu’il conduit. Il est patron de l’une des «vitrines» de la rue Charles-Cusin et possède des appartements notamment rue de Berne, qu’il loue à des prostituées. On lui prête de travailler avec environ 80 filles qui lui rapportent gros. Problème: à l’administration fiscale genevoise, il ne déclarait que 40’000 francs de revenus par an.

Une pote généreux

C’est lors de son arrestation, que la police tombe sur une véritable boîte de Pandore: le téléphone portable du prévenu qui va, si l’on peut dire, se mettre à table… La brigade de criminalité informatique retrouve des échanges avec des policiers, des renseignements confidentiels que ces derniers ont fourni au patron du sex center, des vidéos compromettantes.

L’affaire touche de nombreux policiers, dont des membres de la PJ, et des agents de police municipale qui se retrouvaient souvent autour d’un verre au petit bar du sex center. Le patron était devenu un ami pour beaucoup et, visiblement, personne ne voyait de problème à rendre service à un pote généreux!

Depuis plusieurs semaines, sous la conduite du procureur général Olivier Jornot, l’Inspection générale des services – la police des polices – mène l’enquête. Les téléphones portables des policiers entendus dans le cadre de cette affaire ont été saisis et contrôlés. D’après nos sources, il aurait même fallu engager du personnel supplémentaire à l’IGS pour pouvoir entendre tous les agents incriminés. En l’état, la justice travaille sur des soupçons de corruption, de violations du secret de fonction. Sans oublier un terme très à la mode à Genève, l’acceptation d’un avantage.

L’énorme enquête de l’IGS déterminera avec précision les délits reprochés aux forces de l’ordre. Au vu de son ampleur, elle prendra certainement beaucoup de temps. Contactés, le conseiller d’Etat Mauro Poggia, en charge du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES), et la commandante de la police genevoise, Monica Bonfanti, n’ont pas souhaité faire de commentaires.

Plusieurs policiers ont d’ores et déjà mandaté des avocats. Des agents ont été déplacés comme un membre de la police municipale des Pâquis et un policier qui avait récemment intégré l’IGS, un ancien du groupe prostitution de la police genevoise. Et l’affaire ne fait que commencer!