A Genève, les cyclistes se sentent détestés

  • Selon une récente étude, plus de 50% des cyclistes du canton estiment qu’ils sont mal aimés.
  • En cause, leur comportement irrespectueux envers les autres usagers de la route et des trottoirs.
  • De leur côté, les défenseurs de la petite reine dénoncent des infrastructures inadaptées.

  • Genève est l’un des cantons où la haine envers les cyclistes est la plus grande. 123RF/CONNELDESIGN

    Genève est l’un des cantons où la haine envers les cyclistes est la plus grande. 123RF/CONNELDESIGN

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«Les infractions des cyclistes diminuent avec la qualité des infrastructures»

Patrick Rérat, coauteur de l’étude «Au travail à vélo»

«Ils grillent les feux rouges, se faufilent au milieu des voitures, occupent toute la chaussée et les trottoirs. Les cyclistes sont de véritables cycloterroristes!» Ce discours devenu monnaie courante à Genève irrite au plus haut point le député socialiste Sylvain Thévoz: «C’est écœurant! Les terroristes tuent des gens. Les cyclistes se font tuer. Comme le montrent les statistiques, ils sont des usagers vulnérables.»

Justement, que disent les statistiques? Selon le dernier rapport SINUS réalisé par le Bureau de prévention des accidents (BPA), les adeptes de la petite reine restent particulièrement exposés: «Contrairement aux autres usagers de la route, aucun recul des accidents occasionnant des dommages corporels n’a été observé chez les cyclistes ces dix dernières années.» Silvain Guillaume-Gentil, porte-parole au sein de la Police cantonale genevoise, constate cependant que le nombre de cas n’augmente pas: «En 2018, 226 accidents impliquant des cycles se sont produits sur le territoire genevois. Ce chiffre était de 233 en 2017 et de 210 en 2016.»

Ordre chamboulé

La seule hausse constatée concerne la haine envers ces usagers de la route. Le canton de Genève serait même un champion en la matière. C’est la conclusion de l’étude «Au travail à vélo» menée auprès de 14’000 pendulaires. Professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne et coauteur de cette enquête, Patrick Rérat précise: «A la question de savoir s’ils se sentaient respectés par les autres usagers, plus de 50% des Genevois utilisant le vélo ont répondu par la négative.»

Comment expliquer un tel sentiment de détestation? Le professeur a son idée sur la question: «On leur reproche de ne pas respecter certaines règles, dont les feux rouges. Or, on constate que les infractions diminuent avec la qualité des infrastructures. Le problème est que les villes ont été aménagées pour la voiture. Le vélo chamboule cet ordre, il est rapide, flexible, sain, propre, mais n’est pas encore considéré comme un moyen de transport à part entière.»

Des solutions concrètes

Dès lors, il apparaît urgent d’imaginer un nouveau «rouler ensemble». Pour Jean-Luc Alt, porte-parole de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident (SUVA), la méthode est simple: «Une bonne cohabitation dépend du comportement de chaque individu et de son respect de l’ensemble des autres usagers et des règles de circulation en vigueur.» La logique même. Pour y parvenir, Alice Genoud, coordinatrice de la section genevoise de l’Association transports et environnement (ATE), propose quant à elle une solution radicale: «Il faut renverser le paradigme en pensant d’abord les aménagements pour la mobilité durable et après ceux pour la voiture. Avec des pistes cyclables continues et sécurisées, des parkings fermés pour les vélos et la réalisation d’autres voies vertes. Nous ne cautionnons cependant pas les incivilités d’une petite minorité de cyclistes.»

Alfonso Gomez, président de Pro Velo, va dans le même sens: «Les points noirs et dangereux du réseau cyclable sont un véritable fléau, ils doivent disparaître car une piste cyclable est efficace lorsqu’elle est sécurisée du début à la fin.» Marc Kipfer, porte-parole au sein du BPA, abonde: «Cette promotion du vélo est dans l’air du temps et permettra de maintenir la mobilité au sein des régions urbaines densément bâties.» Une mobilité qui doit désormais intégrer les vélos électriques dont la vitesse peut facilement atteindre les 30 km/h. Oui, mais comment? Le député Sylvain Thévoz a la solution: «Des pistes cyclables réservées aux vélos et les vélos électriques sur la route avec un plafonnement général de la vitesse pour tous les véhicules à 30 km/h. Ainsi, chacun aura sa place et tout le monde sera en sécurité.» Les automobilistes apprécieront…

Les trottinettes électriques divisent

Nouvelle star de la mobilité douce, la trottinette électrique en libre-service ne verra pas encore le jour officiellement à Genève. Sur les ondes de la RTS, le conseiller d’Etat en charge du Département des transports, Serge Dal Busco, a fait savoir que le vélo était sa priorité. Et qu’il renonçait donc pour l’instant à autoriser la démocratisation des trottinettes électriques sur la voie publique. Ce qui n’a pas empêché le déploiement de 180 engins de la marque Föhn fin mai. Le bras de fer ne fait donc que commencer, ce que déplore le député socialiste Sylvain Thévoz: «Ces engins permettent d’atteindre des vitesses allant jusqu’à 85 km/h. Leur place est sur les pistes cyclables ou sur la route, comme les vélos électriques. Genève doit se réveiller et créer des autoroutes à vélos et trottinettes.» Alice Genoud, coordinatrice de la section genevoise de l’Association transports et environnement (ATE), ajoute: «D’un point de vue légal, les trottinettes électriques sont des ovnis. Elles sont interdites sur la chaussée et sur la route, mais vendues en magasin. Cela n’a aucun sens car personne ne va les utiliser pour faire un tour dans son jardin! Un débat est nécessaire au niveau suisse.»