«Je reconnais, même si je n’ai pas le droit, je dépose en douce mes poubelles dans le container de l’immeuble d’à côté! Ni vu, ni connu!»
Un petit commerçant du centre-ville
«Cette taxe aux ordures professionnelles va nous mettre sur la paille! Pourquoi devons-nous payer la levée de nos déchets au même tarif que les grandes entreprises?», s’emporte Lucette. Pour faire tourner sa petite entreprise, cette épicière, installée dans le quartier des Eaux-Vives depuis plus de trente ans, est épaulée par trois membres de sa famille et cinq employés. «Parce que nous sommes plus de huit personnes à y travailler, même à temps partiel, je dois payer, rubis sur l’ongle, la levée des déchets professionnels! C’est un scandale. A force de nous acculer avec des taxes, je vais devoir fermer boutique et licencier!»
Tolérance cantonale abolie
Pour mémoire, la tolérance cantonale pour la levée gratuite des déchets des entreprises a été supprimée en mars 2015 et est entrée en force le 1er avril dernier, date à partir de laquelle les sanctions peuvent tomber. La nouvelle directive somme les communes d’en finir avec la gratuité des collectes de déchets des entreprises. A elles désormais d’organiser le tri et le débarras de leurs poubelles. Une corvée qui coûte cher, car les tarifs sont les mêmes pour une entreprise employant huit ou 249 personnes. «Inacceptable», pour les conseillères municipales PLR Patricia Richard et Helena Rigotti. Via une motion urgente, soutenue par la Ville de Genève, elles demandent au Canton le retour de la tolérance qui était en vigueur avant fin 2017. Le règlement autorisait en effet la Voirie à collecter gratuitement deux sacs poubelles de 110 litres par société (lire ci-dessous).
Tous à la même enseigne
Les deux élues municipales PLR sont largement soutenues par les petits commerçants. Ainsi, à la Servette, la patronne d’un salon de coiffure est choquée de devoir payer des tarifs identiques aux grands commerces: «Le système de ramassage imposé pour la levée de nos déchets est très compliqué. Exemple, les commerces classés comme micro-entreprises sont soumis à une facturation forfaitaire annuelle de 50 francs par emploi, explique-t-elle. Avant de préciser: «Sinon, il nous faut passer par un contrat avec une entreprise privée et payer 19 francs le mètre cube uniquement pour les cartons. Les autres déchets se paient au poids de la poubelle ou au container. Je vous laisse imaginer ce que cela représente!»
Quant à John, qui tient une petite échoppe de fringues aux Pâquis, c’est la menace de l’amende qui lui fait perdre les pédales: «J’ai en effet un réel problème pour être en conformité, car ces levées par les transporteurs privés ne se font que ponctuellement. Cela nous oblige à stocker nos cartons, verres et emballages pour le tri sélectif. Mais où les stocker? Sur le trottoir? Je ne vois pas où est l’écologie!» Cette accumulation de contraintes met les nombreuses micro-entreprises du centre-ville au bord de la crise de nerfs (lire GHI du 7.12.17). A tel point que le patron d’un tea-room de la rue de Carouge avoue même que face à tant d’intolérance, il préfère tricher: «Je ne vais pas payer chaque fois que j’ai un container bourré de cartons, ça coûte trop cher. J’ai peu de déchets par rapport à un grand restaurant, donc, je le reconnais, même si je n’ai pas le droit, je dépose en douce mes poubelles dans le container de l’immeuble d’à côté! Ni vu, ni connu!» Question? Combien de petits commerçants risquent de faire de même pour éviter des taxes qu’ils jugent inappropriées et financièrement plombantes?