La vie des Genevois au temps du coronavirus

  • Profs, pharmaciens, pros de l’événementiel, etc. ont vu leur vie chamboulée par l’arrivée de l’épidémie.
  • Le rapport au public, aux clients, aux électeurs a profondément changé.
  • Ils nous racontent comment. Témoignages.

  • Un geste simple mais essentiel par les temps qui courent. FRANCIS HALLER

«On a ressenti cela comme un énorme coup de frein»

Marc-Antoine, directeur d'un hôtel-restaurant

Ils sont chauffeur de taxi, pharmacien, hôtelier, politicien en campagne ou prostituée. Depuis le début d’année, le coronavirus chamboule leur quotidien. Ils nous racontent comment. Tour d’horizon.

Steeve, technicien dans l’événementiel, 45 ans

«Le carnet de commandes était rempli. Du 1er mars à mi-mai, il ne nous restait, à mon nouvel associé et moi-même, que cinq jours de congé. Là, les événements s’annulent les uns après les autres. Même les petits, réunissant une vingtaine de personnes. Résultat: on est tombé à moins de 30 jours de travail. On n’ose pas calculer le chiffre d’affaires perdu. Et puis, il y a l’effet cascade: j’ai annulé 14 chambres sur dix jours, censées accueillir une équipe de tournage.»

Zaher, chauffeur de taxi, 57 ans

«L’impact est lourd. La clientèle d’affaires chute, les Genevois diminuent leurs trajets. Sans compter l’annulation d’événements tels que le GIMS (Geneva International Motor Show). L’activité a baissé de 30 à 40%. Certains chauffeurs peinent déjà à payer les factures. Le 5 mars, le Collectif des taxis genevois a adressé une demande d’aide au conseiller d’Etat Mauro Poggia pour compenser les pertes. A noter aussi qu’on est les premiers en contact avec les clients. Les chauffeurs sont plus exposés aux risques de contamination.»

Bruno, politicien thônésien en campagne, 24 ans

«On a été touché en termes de portée de notre message. Les gens ne parlent que du coronavirus, on sent que la préoccupation est ailleurs. Idem dans les médias où les municipales sont passées au second plan. Plus anecdotique, quand par mesure de prévention on tend la main plutôt que de faire la bise à des électeurs qu’on connaît, c’est parfois cocasse voire gênant.»

Georgette, guichetière de cinémas, 60 ans

«La fréquentation est moindre. Mais, paradoxalement, pour l’avant-première du film sur Jacques Dubochet, le Prix Nobel, il y avait tellement de monde qu’on a dû faire deux salles. Moi, au guichet, je me lave souvent les mains, mais, je risque plus en prenant le bus pour venir travailler! Par contre, je suis intransigeante avec les gens qui mettent leur ticket d’entrée à la bouche. Je me tourne alors vers mon collègue pour le prévenir: billet à la bouche! C’est le code.»

Marie, pharmacienne, 56 ans

«Pour nous, ça a surtout été beaucoup de travail! Les clients viennent chercher des masques et du gel pour les mains. Problème: on est à court de fournisseurs. Comme on a un laboratoire, on a fabriqué une solution à base d’alcool. Les 160 flacons ont été vendus en une semaine. On en a fait 50 autres avec la formule des HUG. Ecoulés en une matinée! On passe aussi beaucoup de temps à rassurer les gens, à répondre aux questions. Ils sont inquiets, mais calmes.»

Esteban, chauffeur TPG, 38 ans

«Les usagers n’ont pas changé leurs habitudes. Ils continuent de prendre le bus. On ne voit pas trop de masques, ni chez les clients ni chez les chauffeurs. Pour l’instant, pas de psychose réelle. C’est vrai que si un passager ou un conducteur TPG tousse, les autres vont s’éloigner. Mais ils ne vont pas rater leur bus pour ça.»

Marc-Antoine, directeur d’un hôtel-restaurant, 55 ans

«On l’a ressenti comme un énorme coup de frein! Ça a été immédiat. D’abord lié à l’annulation du Salon de l’auto. L’activité a chuté et ça continue. Pour cause: plus personne ne voyage! L’impact se fait sentir sur toute la ville et le canton. Des hôtels vides, c’est une perte pour les blanchisseries, les taxis, les boulangeries, les magasins de souvenirs... Si cela devait durer plusieurs mois, ce serait catastrophique. Et le mot est faible.»

Madame Lisa, propriétaire d’un salon de massage

«A part quelques hommes d’affaires chinois, on n’a pas perdu de clients. Ça ne représentait pas une grosse part. L’annulation du Salon de l’auto n’est pas une mauvaise chose pour nous. Cela va permettre à la clientèle locale de venir. Elle croyait, à tort, qu’on était submergé. Côté hygiène, nos habitudes n’ont pas changé. Les filles ont toujours fait très attention. Comme on travaille en milieu confiné, une fille – ou un client – fébrile n’est pas autorisé à rentrer. Pour éviter de toutes les contaminer.»

Stéphane, enseignant, 29 ans

«L’annulation des voyages a été un gros coup dur. Cela fait des années que les collégiens savent qu’ils partent en voyage de matu. Là, toute une volée est sacrifiée. Le ras-le-bol est tangible. Beaucoup ont déjà prévenu qu’ils ne viendraient pas en cours cette semaine-là. Se pose aussi la question du remboursement des frais avancés par les parents.»

Les frères et sœur Lam, à la tête d’un restaurant chinois

«Le soir, c’est un peu plus calme que d’habitude mais c’est difficile de dire si cela est lié au coronavirus. Le fait que l’on soit là depuis longtemps, qu’on parle bien français rassure. En revanche, dans le bus, il est arrivé qu’une dame change de place quand elle s’est rendu compte qu’elle était assise à côté de moi. Ce n’est pas très rationnel mais c’est humain.»

Laury, caissière de supermarché, 52 ans

«Il n’y a pas moins de monde. Côté achats, rien de particulier à signaler. A part qu’on nous demande des masques, qu’on n’a jamais eus en rayon, et du gel, qu’on n’a plus. Même si en étant à la caisse je suis en contact avec beaucoup de monde, je ne suis pas inquiète. On a du désinfectant à portée de main et on fait attention à ne pas tousser face aux clients.»