L’aide spirituelle facturée 80 francs

«L’Evangile n’est plus gratuit! J’ai dû payer 80 francs pour une consultation d’aide spirituelle alors qu’elle était offerte la première fois! Pire encore, dans deux autres églises évangéliques, on m’a demandé, dans un premier temps 50 francs, puis finalement la facture a été réduite à 20 francs…»

Confession à 80 francs

Paul (prénom fictif), septuagénaire, a été sidéré par la pratique: «J’ai beau être chrétien, lire ma Bible et prier, il m’arrive parfois de chercher des conseils. Je suis donc parti voir une église évangélique. J’ai été reçu par un évangéliste pédagogue, qui m’annonce d’emblée qu’il me faudra payer 80 francs pour cet entretien. J’étais tellement surpris que je lui ai répondu: Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (Mathieu 10/8)…»

Amortir l’investissement

L’Eglise évangélique tariferait-elle réellement ses consultations spirituelles? Paul affirme que oui avant de poursuivre: «L’évangéliste m’a rétorqué que c’était normal, que ses études lui ont coûté cher et qu’il devait amortir son investissement!» Mais comme Paul n’a pas les moyens, il renonce à cette consultation et se rend dans une autre structure évangélique: «On me fait le même topo, mais cette fois les prix variaient entre 25 et 50 francs .»

Paul est estomaqué mais tenace. Il se rend donc dans une troisième église évangélique où il a obtenu, quelques semaines auparavant, un entretien gratuit: «La secrétaire me refuse le rendez-vous, arguant que j’avais déjà reçu des conseils. Et avant de me mettre à la porte, elle me dit que mon meilleur conseil sera désormais de prier et de lire la Bible!»

Paul tient à encore à souligner: «J’ai besoin d’être guidé dans ma croyance. Je consulte en parallèle un psychologue non-spirituel que je paie, c’est normal. En revanche payer pour être aidé dans ma foie,je trouve cela fort de café!»

Amalgame

Les accompagnements psychospirituels tarifés seraient-ils une pratique nouvelle de l’Eglise évangélique? «Non, nos pasteurs sont salariés, affirme Christian Bussy, président du réseau évangélique de Genève. Nous vivons de dons.»

Alors que s’est-il passé avec Paul? «Je pense qu’il a fait un amalgame avec notre Eglise et des centres de thérapies chrétiens, poursuit-il. Car en effet, les locaux que nous louons pour les associations comme La Halte ou Horizon 9 (lire ci-contre) se trouvent dans nos murs, au Bouchet et à la rue de Lyon. Ces centres de thérapies chrétiens sont autonomes. Ils ne sont pas liés directement à l’Eglise évangélique.» Etrange toutefois, sur les sites internet de ces deux centres de thérapies chrétiens figurent pourtant bel et bien l’appartenance au Réseau évangélique suisse.

Librairie chrétienne

Renseignements pris auprès de ces associations, nous apprenons que les personnes souhaitant un soutien psychologique spirituel sont envoyées par l’intermédiaire de l’association L’Eau-Vive, une librairie chrétienne orientée vers le service aux Eglises et aux croyants de la région genevoise. Ce que confirme Paul.

«Oui, il faut payer»

Véronique Monney, la gérante de La Librairie L’Eau-Vive, reconnaît que des dédommagements pour les conseils sont bel et bien pratiqués: «Ce n’est pas nouveau, déclare-t-elle. Cela fait au moins une dizaine d’années. Ces centres de thérapies chrétiens n’ont pas de but lucratif, explique-t-elle. Les services proposés sont partiellement financés par des contributions, adaptées au revenu, des personnes qui le consultent. Cet argent couvre une partie des charges. L’argent que nous demandons est une contribution et non pas une rémunération d’honoraires.» Dans la foulée, elle rappelle que lorsqu’une personne va consulter chez un psychologue non spirituel, eh bien elle paie. Il est donc normal que les psychologues spirituels soient aussi rémunérés.»

Mais pour le fervent chrétien Paul, la psychanalyse spirituelle pratiquée en espèces sonnantes et trébuchantes et à la tête du client, est, à son goût, déplacée: «L’Evangile est désormais réservé à ceux et celles qui ont les moyens de payer!»