«Tout l’aspect social manque beaucoup. On perd la solidarité entre élèves»
Pauline Emery, étudiante en lettres
Lundi, 7h30… Le réveil de Max n’en finit pas de sonner. Cet étudiant de 22 ans peine à se motiver. «De base, je suis un flemmard», avoue-t-il. Du coup, l’enseignement à distance ne lui réussit guère. «C’est difficile de se lever quand les trajets quotidiens se limitent aux quelques mètres entre mon lit et mon bureau.» Dur aussi de rester concentré sur l’écran plusieurs heures d’affilée, bref de se motiver.
D’autant qu’il n’a jamais vécu un seul cours en présentiel à la Haute école du paysage, d’ingénierie et de l’architecture (Hepia). «Je suis arrivé le 2 novembre, pile le jour où les cours sont passés en ligne.» Les dix mois précédents, le jeune homme était à l’armée.
Heureusement pour lui, Max a un bon niveau car ancien étudiant à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). D’après une étude de l’Université de Genève (Unige) réalisée avant la pandémie et publiée le 19 janvier, l’enseignement en ligne a tendance à creuser les inégalités entre les bons élèves et ceux qui rencontrent des difficultés.
Max confirme: «Certains de mes camarades ont plus de mal. L’un cravachait quand les cours étaient en présentiel, il restait jusqu’à 22h sur place. Maintenant qu’il est seul chez lui, il passe son temps à fumer...»
Stress des examens en ligne
A la permanence de la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s (CUAE), les difficultés sont plus palpables en janvier, période d’examens. «En ce moment, ce qui angoisse les étudiantes et étudiants, ce sont les examens à distance, explique la secrétaire permanente, Pauline Emery. Au stress habituel s’ajoutent les craintes par rapport aux modalités pratiques.»
Une angoisse que Selma connaît bien. Etudiante en première année de Faculté des sciences de la société, cette femme de 19 ans n’a pas très bien vécu ces conditions si particulières. «C’était pas très fun. On a peur de ne pas arriver à se loguer. On stresse à l’idée que le WiFi coupe en plein milieu.» Même quand les épreuves ont lieu en présentiel, comme c’est le cas pour Max, il n’est pas toujours simple, vu le manque de cadre quotidien, de se lever et d’arriver à l’heure.
Désert sentimental
Au-delà des difficultés propres à l’apprentissage, tous relèvent le manque de contact. «Tout l’aspect social manque beaucoup. On perd la solidarité entre élèves, l’entraide et puis, d’habitude, à l’Uni, on rencontre des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt que nous», souligne Pauline Emery, qui étudie à la Fac de lettres et a tout de même la chance d’avoir ses amis des années précédentes.
Pour Selma qui est en première année, c’est un peu plus compliqué: «On a fait un mois et demi [de cours] en présentiel et encore, avec les masques. Il n’y a pas d’apéros, pas de fêtes. Les bars sont fermés. Il n’y a plus d’interactions sociales. C’est vraiment la cata! On n’imaginait pas notre première année d’Uni comme ça.»
Idem pour Max. Pas facile de se faire des amis pour celui qui vient de débarquer. «On s’est retrouvé une fois à cinq pour manger un burger en novembre. C’était la grosse fête!» ironise-t-il. Et côté cœur? «Après l’école d’ingénieurs fréquentée par une majorité de mecs, dix mois d’armée et maintenant ça, autant dire que ma vie sentimentale ressemble à la vallée de la mort ou au désert du Sahara!»