Le skatepark de Plainpalais est-il hors-la-loi? Selon une histoire, bien connue des Genevois, la Plaine aurait été léguée à la Ville à condition qu'on ne construise rien dessus. Du moins en dur. Or, le skatepark est en béton. Au marché aux puces, «l'affaire» alimente les babillages. «Si c'est vrai, cette construction est illégale», souligne Eric, un pucier. «Ils ne l'ont pas construit dessus, mais dessous pour contourner la loi. C'est rusé!», s'exclament des chineurs. «Je vends de vieux grimoires, mais je n'ai pas le testament en stock, désolé », plaisante Jean-Paul, un bouquiniste à qui on ne la fait pas.
Trois versions
Selon l'historien Bernard Lescaze, cette légende de legs serait complètement fausse. «En réalité, la Plaine a toujours été une terre commune de la Ville de Genève, et ce dès le Moyen-Age. Jusqu'en 1853, elle se situait en dehors de la ville mais, aujourd'hui, cet espace est au cœur des constructions et il devient d'autant plus précieux.»Aux Archives de l'Etat, on se montre, toutefois, moins catégorique: selon eux, la légende du legs de la Plaine repose sur trois rumeurs et basta (lire ci-dessous). Quel embrouillamini!
En quête du Graal
Du côté des opposants au projet d'aménagement de l'extension de la Plaine, dont la dernière étape débutera en novembre, on rêverait, bien sûr, de se procurer le testament. Pour peu qu'il existe… «Legs ou pas, peu importe: ce projet est un vrai scandale!», tonne-t-on à l'association Sauvons nos Arbres. «Ils vont abattre 250 arbres sains, pour les remplacer par d'autres essences, et espacer leur alignement. Les allées historiques, joliment ombragées, vont perdre tout leur cachet.» L'association vient, d'ailleurs, de lancer une nouvelle pétition, via Facebook cette fois, pour mobiliser l'opinion.Chez les skateurs, cette histoire de donation laisse de marbre. «Le skatepark est splendide. Il s'agit d'ailleurs du plus beau d'Europe. Les riders aiment ce matériau. Le béton, c'est pur, c'est cru», glisse Igor Granzoli, un pionnier du skate genevois.
Un projet d'hôpital!
«Cet espace de détente et de loisirs doit rester accessible à tous, libre de toute construction», rappelle, pour sa part, Isabelle Charollais, co-directrice du Département de l'aménagement en Ville de Genève. Une opinion que partage Armand Brülhart, spécialiste en histoire de l'architecture. Même s'il se méfie des discours officiels. «En réalité, il y a toujours eu des velléités pour dénaturer ce vaste losange», relève-t-il. «Sous l'occupation française, on voulait y bâtir des immeubles. Et il y a 40 ans, un petit hôpital, qui devait remplacer celui du boulevard du Pont d'Arve.»Un constat que corrobore l'élu radical Bernard Lescaze. «Il y a quelques années, on a débattu au Municipal de la possibilité d'y ériger un mur de grimpe ou encore d'y creuser un lac, comme au Jardin du Luxembourg. Et cela ne choquait personne dans l'assemblée», se souvient l'historien, qui jette un regard dubitatif sur ces pseudos interdictions. «Prenez la place Sturm, inconstructible car classée en zone verte. Eh bien, nos autorités ont voulu y loger l'Hôtel des archives puis le Musée d'ethnographie…»Mais finalement, personne ne sait vraiement où se trouve le testament. Dans le coffre d'une banque? Dans le tiroir du bureau du maire Rémy Pagani, fermé à double tour! L'histoire du legs de la Plaine, c'est le Da Vinci Code. A la sauce genevoise…