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La hausse a débuté en mars avril. Dès le début de la première vague, les frontaliers en contrat à durée déterminée ou en intérim ont été débarqués. Selon les chiffres recueillis par le GHI, le nombre de chômeurs dont le précédent emploi était en Suisse augmente de 22% en 2020 par rapport à 2019. Fin juin, la zone frontalière allant du Pays de Gex à Thonon, en passant par Annemasse, comptait 9800 demandeurs d’emploi ex-frontaliers. Entre mars et septembre, les agences Pôle emploi de France voisine ont enregistré 3600 nouveaux inscrits venant de Suisse. Surtout des hommes (60%), avec un âge moyen de 37 ans.
Près de 92’000 frontaliers actifs
De quoi faire grimper le taux de chômage en France voisine (leur pays de résidence et donc d’indemnisation) sans impacter celui de Genève alors qu’il s’agit de suppressions d’emplois dans le canton. «Les chômeurs frontaliers n’apparaissent pas dans les statistiques genevoises, ni suisses. C’est la face cachée: cela dissimule une partie des pertes d’emploi sur territoire suisse», souligne Michel Charrat, président du Groupement transfrontalier européen.
Un indicateur de la santé économique du canton que l’on retrouve dans la stagnation du nombre de frontaliers actifs dans le canton. «Cet effectif continue d’augmenter mais la hausse est bien moindre (+1,7% fin septembre)», stipule Sophie Mouchet, statisticienne à l’Office cantonale de la statistique. On comptait 91’180 frontaliers actifs à Genève fin septembre.
Quant aux secteurs qui ont le plus licencié, Carlos Sanchez, responsable de Pôle emploi à Annemasse, cite: l’industrie, la construction mais aussi et surtout l’hôtellerie-restauration. Des branches, surtout la dernière, où les frontaliers sont très présents. D’où la hausse plus importante du chômage dans leurs rangs.
«Mais, les frontaliers occupent aussi des métiers à qualifications fortes, dans la finance, l’informatique, l’horlogerie de luxe, nuance l’ancien ministre des Finances du Canton, David Hiler. Or, ces secteurs moteurs de l’économie genevoise semblent tenir le coup.» Et l’emploi frontalier dans ces domaines par la même occasion.
Reste une grande interrogation: que se passera-t-il à la fin des RHT (chômage partiel)? «Demain, on risque de voir arriver une vague de chômeurs liée aux difficultés et aux faillites des petites et moyennes entreprises», craint Carlos Sanchez.
«Pour le moment, c’est la pointe de l’iceberg, prévient Michel Charrat. En janvier, février, mars 2021, si les RHT s’arrêtent ou diminuent, on va voir une hausse du chômage des deux côtés de la frontière. Rarement, cela aura été le cas. Cette fois, il n’y aura pas de possibilité de repli.»
Moins d’argent dans les caisses
Une inquiétude que partagent les élus de la zone frontalière. A l’image du maire d’Annemasse, Christian Dupessey: «On est avant tout inquiet pour les habitants. Mais, nous sommes dans une région dynamique, sans doute capable de se relever rapidement de cette crise.»
Au-delà de l’impact sur la population, ce sont les finances publiques genevoises qui pourraient pâtir de la situation. Car, comme le rappelle le conseiller d’Etat chargé de l’Emploi, Mauro Poggia, les frontaliers qui perdent leur emploi sont aussi des contribuables en moins.
Sur l’année fiscale 2018, l’impôt à la source versé par les frontaliers a «rapporté» 690 millions de francs à la Suisse. Tandis que les collectivités territoriales de France voisine ont, elles, touché leur part au titre des fonds frontaliers soit 315 millions de francs.
Si l’emploi frontalier diminue, c’est autant d’argent en moins dans les caisses du canton et de France voisine. «Cela n’aura pas d’effet sur la compensation financière genevoise de 2020 car elle est calculée sur l’année précédente, commente Christian Dupessey. En revanche, on verra une baisse sur le versement de décembre 2021.» Selon ses premières estimations, la Ville d’Annemasse pourrait perdre un million d’euros (1,09 million de francs).
De quoi faire grincer toute la machine du Grand Genève. «Cela va sûrement ralentir les grands projets mais ils ne seront pas fondamentalement remis en cause», assure celui qui est aussi président du Genevois français.