Mauro Poggia: «Je construis un dicastère mammouth»

- Mauro Poggia, premier élu MCG au Conseil d’Etat, dresse le bilan des trois premiers mois de son action.
- Incarner le département mammouth de l’emploi, des affaires sociales et de la santé ne l’effraie pas.
- La preuve? Les réformes pleuvent sans trop de contestation. Et c’est loin d’être terminé!

  • Mauro Poggia aime les grands défis. DAVID ROSENBAUM-KATZMAN

    Mauro Poggia aime les grands défis. DAVID ROSENBAUM-KATZMAN

Mauro Poggia, premier élu MCG au Conseil d’Etat, était attendu au virage. Sans la moindre expérience dans un exécutif, allait-il être dépassé par l’ampleur de la tâche qui l’attendait: la construction du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS)? Un dicastère gigantesque qui pèse près du tiers du budget de l’Etat. Premiers éléments de réponse après trois mois d’action.

– GHI: Quelle a été votre principale surprise en faisant le tour du propriétaire?

– Mauro Poggia: La surprise a été plutôt bonne. Dans la plupart des services, je peux compter sur la compétence et l’engagement des collaborateurs en place. En réalité, le principal défi a été de construire un département mammouth.

– C’est-à-dire?

Social, santé et emploi sont réunis au sein du DEAS, dont le budget se monte à plus de 2,8 milliards. Les effectifs en postes fixes des organismes rattachés au DEAS et du personnel sont de près de 12’400 collaborateurs (lire ci-contre).

– N’avez-vous pas peur d’être dépassé par l’ampleur de la tâche?

– Non, je suis bien entouré et j’aime les grands défis.

– Vous avez déjà dû en relever un grand nombre dans l’urgence: affaire de La Pâquerette, libre-circulation des patients, querelles de médecins, etc. Au fond, vous êtes condamné à jouer les pompiers de service au lieu de gouverner.

– Non. Le travail de fond avance malgré la réactivité nécessaire face à l’urgence. Ce qu’il faut retenir, ce n’est pas que des dysfonctionnements apparaissent, mais que l’on trouve des solutions consensuelles et pérennes.

– On a pourtant du mal à comprendre quels sont vos grands projets de législature…

– Normalement, une politique de l’emploi, du social et de la santé se construit en 5 à 10 ans. Là, on attend de moi des mesures immédiates.

– En avez-vous?

– Oui.

– Commençons par l’emploi...

– Jusqu’à six conseillers en personnel, rémunérés par la Confédération, vont être rapidement engagés à l’Office cantonal de l’emploi (OCE) et pourront traiter plus de 800 dossiers ce qui soulagera leurs collègues. Cela devrait calmer les tensions de ces derniers mois. On va aussi tout entreprendre pour que les plus de 13’150 demandeurs d’emploi du canton le restent le moins longtemps possible.

– Comment?

– En faisant mieux coïncider l’offre et la demande. Tous les services de l’Etat et des grandes régies publiques ont pour obligation d’annoncer leurs places vacantes à l’OCE. Désormais, toutes les entités publiques ou privées qui touchent de l’argent de l’Etat devront faire de même.

– Il s’agit de favoriser les demandeurs d’emplois locaux...

– Oui. Et l’annonce de la place vacante n’est pas suffisante. Les employeurs devront aussi recevoir physiquement les candidats. Donner un retour à l’OCE. Expliquer pourquoi, le cas échéant, la candidature n’a pas été retenue. Cela permettra d’adapter les formations et de combattre les abus.

– Côté santé, la politique du faire plus avec moins a montré ses limites. Le plan Performance, qui vise 75 millions d’économies d’ici à 2015, suscite de vives inquiétudes aux HUG?

– Oui, les HUG sont à l’heure des choix. La population vieillit, les coûts de la santé augmentent. Je suis conscient que la pression économique est durement ressentie à l’interne. Malgré la période tendue, je sais aussi que je peux compter sur l’ensemble du personnel pour maintenir une médecine de qualité ouverte à tous.

– Plus concrètement, avez-vous des bonnes nouvelles à annoncer au personnel hospitalier?

– Oui. Après deux ans de négociations et de procédures infructueuses, nous avons enfin réussi à signer un accord avec les assureurs sur le système de rémunération des tarifs hospitaliers. Sans entrer dans les détails, cela nous permet d’économiser 12 millions de francs sur les deux dernières années. De l’argent qui sera essentiellement utilisé pour soulager certains services des HUG.

– L’effet du nouveau régime d’assurance maladie des frontaliers risque de coûter cher aux HUG?

– Ce dossier comporte des failles juridiques. Je considère que les travailleurs transfrontaliers ont souffert d’un manque d’information. On ne leur a pas dit qu’ils seraient aiguillés obligatoirement à la SECU. Il faut donc revoir la copie.

– Qu’allez-vous entreprendre pour que Genève reste à la pointe de la médecine?

– La médecine de pointe a besoin d’un vaste bassin de population. Nous allons donc intensifier les collaborations avec le CHUV pour éviter que des spécialités ne partent ailleurs.

– Et qu’en est-il des réformes touchant le social?

– La principale concerne la mise en place, d’ici la fin de l’été, d’un portail unique pour les prestations sociales. Fini le casse-tête administratif pour les personnes démunies qui ont le plus grand mal à faire valoir leurs droits. Ce nouveau système permet à la fois une grande simplification et rendra la tâche plus difficile aux fraudeurs à l’aide sociale.

– D’autres projets?

– Oui. Penser l’EMS de demain. La perte d’autonomie des personnes âgées est progressive. Il faut donc adapter les structures pour leur permettre de rester ou de rentrer chez elles si leur santé le permet. C’est tout bénéfice pour la société. Développer les services d’aide à domicile et combler le manque de places pour les handicapés font aussi partie de mes priorités.

– Apparemment vous êtes parti bille en tête. Courir un marathon à la vitesse d’un sprinter n’est-ce pas le plus sûr moyen de s’essouffler en route?

– Si on ne commence jamais, on n’arrive jamais. Aujourd’hui, mes limites sont surtout financières. Reste que ce superbe département mérite qu’on travaille d’arrache-pied car, au centre de son action, il y a avant tout l’humain.

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Bio Express - Mauro Poggia

Mauro Poggia est né le 25 avril 1959 à Moutier dans le Jura bernois. En 1965, sa famille s’installe à Meyrin. Son père travaille au CERN. En 1981, il obtient sa licence en droit à l’Université de Genève. Suivie, en 1983, par son brevet d’avocat. Côté politique, Mauro Poggia est d’abord membre du Parti libéral puis du PDC avant d’adhérer au MCG en 2009. Avec ce parti, il est élu député au Grand Conseil de 2009 à 2013 et conseiller national de 2011 à 2013. Depuis le 10 décembre 2013, Mauro Poggia est le conseiller d’Etat en charge du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS).

(Lire également en page 15)