Nos impôts financent le salaire minimum. Grogne!

  • Depuis le reconfinement partiel du 2 novembre, l’Etat paye en grande partie le revenu minimum de 23 francs de l’heure.
  • En effet, les RHT, payées par Berne, couvrent provisoirement des secteurs où le minimum salarial est omniprésent, notamment dans la restauration et le commerce de détail.
  • Cette situation exaspère les milieux patronaux.

  • Quelque 30’000 employés toucheraient le salaire minimum à Genève, selon le syndicat Unia.

    Quelque 30’000 employés toucheraient le salaire minimum à Genève, selon le syndicat Unia. 123RF

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«La période actuelle est inappropriée pour faire peser cette charge sur des entreprises déjà fortement fragilisées»

Nathalie Bloch, directrice adjointe du département des associations professionnelles de la FER Genève

Un jour après l’entrée en vigueur du salaire minimum le 1er novembre dernier, le Conseil d’Etat genevois annonçait un nouveau semi-confinement. Avec pour conséquence, la fermeture des restaurants, bars, commerces, théâtres, musées et autres salles de spectacle. Logiquement, de nombreux employés pouvant enfin prétendre à un salaire minimum de 23 francs de l’heure (accepté en votation le 27 septembre) ont été mis en RHT (réduction de l’horaire de travail). C’est donc l’Etat qui finance leur nouvelle hausse de salaire.

Montant du surcoût?

Ce que confirme Nadine Mathys, porte-parole au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO): «L’instauration du salaire minimum dans le canton de Genève aura en effet des répercussions sur les coûts des RHT.» Un surcoût difficile à estimer: «Il n’est pas possible pour l’assurance chômage d’analyser individuellement les coûts des adaptations des RHT. En raison du grand nombre de demandes, l’assurance chômage a introduit une procédure sommaire simplifiée pour les annonces et les décomptes. Cela a permis d’apporter une aide rapide et ciblée aux entreprises concernées, mais la procédure ne fournit pratiquement pas de données individuelles.»

Contactée pour faire la lumière sur cette situation, la ministre genevoise des Finances, Nathalie Fontanet, préfère laisser répondre Laurent Paoliello, chargé de communication au Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES): «Le système informatique des caisses de chômage ne permet pas d’isoler et donc d’estimer le coût supplémentaire inhérent sur le mois de novembre 2020.»

Transfert de charge

Pas d’estimation chiffrée donc, mais une certitude, la majorité des bénéficiaires du salaire minimum travaillent dans des secteurs où les RHT sont la norme. Qu’ils soient serveurs, cuisiniers, vendeurs ou magasiniers. Mais combien sont-ils au juste à Genève? «30’000 personnes sont concernées, précise Aldo Ferrari, vice-président du syndicat Unia. C’est l’estimation que nous avons diffusée durant notre campagne de votation.»

Et le fait que les impôts des citoyens financent une grande partie du salaire minimum ne pose aucun problème au syndicaliste: «Non, le salaire minimum sera financé par chacune et chacun, employeurs et citoyens. C’est un transfert de charge sur l’Etat et l’édifice social qui se réduit mais aussi et d’abord, une question de dignité pour les salariés. Le Covid-19 a surgi bien après le dépôt de l’initiative. Nous avons vu ce que génère la précarité au début de cette crise sanitaire avec les colonnes de personnes venant chercher de la nourriture. Le salaire minimum vise aussi à éviter ce genre de situation.»

Recours en justice

Un avis que ne partagent pas les associations patronales. Cinq d’entre elles, dont la Fédération des entreprises romandes (FER Genève), la Fédération du commerce genevois (FCG) et le Groupement professionnel des restaurateurs et hôteliers (GPRH), viennent de recourir en justice contre les modalités d’application de l’initiative en faveur du salaire minimum. Très concrètement, elles souhaitent un report de la mise en application de la modification législative au 1er février 2021, permettant aux employeurs d’effectuer les démarches administratives conjointement à l’adaptation annuelle des cotisations sociales. Comme le rappelle Nathalie Bloch, directrice adjointe du département des associations professionnelles de la FER Genève: «Nous souhaitons faire prendre conscience que la période actuelle est totalement inappropriée pour faire peser cette charge administrative et financière sur des entreprises déjà fortement fragilisées par la crise économique liée au coronavirus.»