Rémy Pagani: «J’assume!»

  • L’heure du bilan des cent jours à la tête de la Mairie de la Ville de Genève a sonné.
  • Un statut que l’infatigable trublion d’Ensemble à Gauche met à profit pour aider les Genevois frappés par la crise.
  • Interview d’un élu populaire prêt à en découdre et cela malgré l’ingratitude des siens.

  • Rémy Pagani: «J’ai prouvé que j’étais un élu rassembleur.» DEMIR SOMNEZ

    Rémy Pagani: «J’ai prouvé que j’étais un élu rassembleur.» DEMIR SOMNEZ

«Je ne suis pas le maire des baldaquins mais celui des Genevois»

GHI: Quelles sont les priorités de votre 3e mandat de maire de la Ville de Genève?

Rémy Pagani: Défendre les prestations à la population et son pouvoir d’achat. Les inégalités se creusent, trop de Genevois vivent une véritable galère pour boucler les fins de mois. Il faut les aider.

– Concrètement?

– Je propose de lancer un mouvement de baisse des loyers de 500 fr. par ménage et d’augmenter les salaires de 500 fr. par salarié. Il faut donner aux habitants de ce canton les moyens de vivre dignement.

– Un peu démagogique, non?

– Pas du tout. C’est même le contraire. La situation de beaucoup de familles est inacceptable. En Ville, près de 21% des ménages bénéficient d’une prestation sociale pour l’entretien de leur enfant en âge de scolarité jusqu’à 14 ans. C’est mon rôle de m’attaquer à ces problèmes.

– Quitte à descendre dans la rue pour récolter des signatures comme un militant de base… Est-ce cela le rôle du maire de la seconde ville du pays?

– Je ne suis pas le maire des baldaquins, des brodequins et autres ors de la municipalité, mais celui des Genevoises et des Genevois. La rue et le contact avec les citoyens me permettent de trouver des solutions directes et concrètes avec eux. Et si des gens trouvent cela peu protocolaire, eh bien j’assume!

– Un maire de la gauche radicale, aux positions idéalistes et tranchées, peut-il travailler dans l’intérêt de tous les Genevois?

– Oui, j’ai prouvé que j’étais un élu rassembleur.

– Des exemples?

– La construction éphémère de l’Opéra des Nations nous a permis de démocratiser l’opéra. Sans moi, il ne se serait jamais construit. Les cérémonies du 1er Août ont réuni près de 20’000 personnes au parc La Grange, un succès populaire inimaginable et sans précédent.

– En parlant de la Fête nationale, votre idée de la célébrer aux côtés du Bénin a soulevé une vive polémique et le dépôt d’une pétition aux relents racistes…

– L’écrasante majorité de la population a soutenu ma démarche et a été choquée que des citoyens osent lancer et signer une telle pétition. Je note que c’est la 1re fois que des pétitionnaires retirent leur texte. Je n’avais jamais vu cela en plus de quarante-cinq ans d’activité politique. Bravo à GHI d’avoir révélé l’affaire.

– Reste cette réputation de politicien franc-tireur, capable à tout moment de rompre la collégialité et tirer la couverture à soi…

– Ah bon! Sur quels dossiers?

– Le budget 2016, le dossier de la subvention au Moulin à Danses (MàD), la réforme de l’imposition des entreprises (RIE III).

– Pour le MàD, j’aurais dû soumettre ce dossier à mes collègues, je reconnais que c’était une maladresse de ne pas l’avoir fait. Pour le reste, j’assume totalement! Surtout lorsque le corps électoral me donne raison avec 60% des voix aussi bien sur le plan communal pour les coupes budgétaires que cantonal quant à la volonté du gouvernement de faire des cadeaux fiscaux aux multinationales. Comme magistrat on prend une soixantaine de décisions majeures par semaine. Deux ou trois ruptures, c’est finalement peu et cela fait partie de la démocratie.

– Une autre brouille se prépare-t-elle sur le dossier sensible des Fêtes de Genève? Des élus vous reprochent d’être favorable à l’initiative populaire visant à réduire la manifestation à sept jours et de ne pas soutenir le contre-projet du Conseil administratif. Est-ce le cas?

– Je ne peux pas me positionner sur ce dossier parce que je ne connais pas le contre-projet du Conseil administratif. Il n’est pas encore sorti de commission. Mais ma priorité, depuis dix ans, n’est pas le futur des Fêtes, c’est de savoir que Genève se développe très rapidement et qu’il faut mettre en place des infrastructures pour accompagner ce processus: logements, routes, crèches, écoles, gares CEVA.

– Après trois mandats, certains disent que vous êtes trop fatigué pour relever ce défi.

– Faux, archifaux! Mes mandats de maire et de conseiller administratif chargé de l’Aménagement et des Constructions ont décuplé mon énergie et ma capacité d’action. En chiffres, cela donne une crèche construite par an. Côté logement, la Ville a atteint l’objectif de 400 logements construits par année. Nous sommes le plus grand bâtisseur du canton. Avant de partir en 2020, je me donne les moyens de mettre en route la construction de 4000 à 5000 nouveaux logements.

– En parlant d’avenir… L’année de Mairie était un tremplin idéal dans la course au Conseil d’Etat en 2018, mais votre parti vous a écarté sans ménagement. Quelle ingratitude, non?

– Je ne m’exprimerai pas là-dessus. Ce que je peux vous dire, c’est que je suis à la tête de la liste d’Ensemble à Gauche pour le Grand Conseil. C’est aux électeurs de décider en soutenant cette liste. Et la vie m’a appris qu’en politique rien n’est définitif ou joué d’avance.