Sur la route, la guerre fait rage entre usagers

  • La cohabitation entre automobilistes, motards, scootéristes et cyclistes devient plus conflictuelle.
  • Bagarres, gestes obscènes et insultes sont le lot quotidien des usagers dans le canton de Genève.
  • Cause principale? La multiplication des bouchons qui génèrent frustration et insécurité. Notre dossier.

  • Sur le bitume, c’est souvent la foire d’empoigne entre les différents usagers. PASCAL BITZ

    Sur le bitume, c’est souvent la foire d’empoigne entre les différents usagers. PASCAL BITZ

«A Genève où il y a plus de bouchons, la situation est plus tendue qu’ailleurs»

Lisa Mazzone, présidente de la section genevoise de l’Association transports et environnement

Violemment attaqué par un motard, Bruno* ne s’est toujours pas remis de sa mésaventure: «Je roulais tranquillement en voiture à Vandœuvres quand il a voulu me dépasser par la droite alors que j’avais mis mon clignotant. C’est au feu rouge que tout a dégénéré. Il a ouvert ma portière et s’est acharné sur moi.» Pour le trentenaire habitant Versoix, le bilan est lourd: deux côtes cassées, un gros coquard, une chemise en lambeaux et la peur de sa vie.

Un fait divers qui n’étonne pas Markus Lehner, porte-parole de l’association Motosuisse: «La densité du trafic n’est pas la seule cause de l’augmentation de ces comportements violents. Ceci est aussi dû à un changement dans notre société: le respect et la tolérance ne sont plus vraiment à la mode en général. Et sur la route, cela se ressent.»

Au sein de la police cantonale genevoise, on relève une légère augmentation des cas d’agression, altercation, insultes et autres gestes injurieux. En 2017, 43 événements de ce type avaient été signalés, un chiffre qui s’élève déjà à 35 lors des sept premiers mois de cette année.

Etude nationale

Afin de réaliser un diagnostic précis de la situation, le Bureau de prévention des accidents (BPA) a mené en 2014 une étude consacrée à l’agressivité dans la circulation routière. Les conclusions sont toujours valables selon Nicolas Kessler, responsable de la communication: «Il est très difficile de quantifier scientifiquement l’agressivité. Cette notion est très subjective. Mais intégrer cette thématique dans la formation des conducteurs pourrait être une bonne chose.»

Cette escalade de tensions, sans être chiffrée, est unanimement soulignée par les divers acteurs de la mobilité. Pour Yves Gerber, porte-parole du Touring Club Suisse (TCS), il convient de garder son calme: «Nous recevons régulièrement des témoignages de situations critiques sur la route. Ce n’est pas forcément une question de moyen de transport, mais surtout de comportement. Les usagers de la route agressifs oublient de se mettre à la place des autres.»

Pas de priorité claire

Particulièrement vulnérables et souvent attaqués pour leurs comportements jugés téméraires (feu rouge grillé, dépassements par la droite, utilisation des trottoirs), les cyclistes ressentent également cette hausse de l’agressivité. Et s’estiment oubliés par les pouvoirs publics: «La cohabitation des différents modes de transport devient de plus en plus chaotique car aucune priorité claire n’a été donnée sur la circulation, souligne Alfonso Gomez, président de Pro Vélo Genève. Pour les cyclistes, des pistes séparées du trafic sont la seule solution efficace.» Ce que prône également Nicolas Kessler: «La création de voies de circulation spécifiques aux différents types de véhicules réduirait les conflits.» (GHI du 23.8.18)

Diminuer le trafic

Quant à Lisa Mazzone, présidente de la section genevoise de l’Association transports et environnement (ATE), elle milite pour une décroissance du nombre de véhicules: «A Genève, la situation est plus tendue que dans d’autres villes suisses car il y a davantage de bouchons. Il faut des mesures pour apaiser les centres-villes en diminuant drastiquement le trafic motorisé et sa vitesse. Tout en aménageant un réseau cyclable confortable, respecté et continu.»

* nom connu de la rédaction