La vaccination victime de notre amnésie collective

SANTé • Après la survenue de trois cas de rougeole dans le canton de Genève, la Direction générale de la santé rappelle que la vaccination reste le seul moyen de se protéger contre l’infection. Mais pourquoi certains répugnent à y recourir?

  • De nombreuses maladies ont été éradiquées grâce  à la vaccination. 123RF/OKSANA KUZMINA

    De nombreuses maladies ont été éradiquées grâce à la vaccination. 123RF/OKSANA KUZMINA

«Actuellement en Suisse, 94% des enfants de 2 ans sont vaccinés contre la rougeole, dont 87% avec 2 doses de vaccins, ce qui correspond aux objectifs fixés et atteints par l’Office fédéral de la santé publique pour tout le pays, constate la doctoresse Christiane Petignat, adjointe au médecin cantonal vaudois. Tant que la rougeole n’est pas éradiquée au niveau mondial, on aura encore des flambées de cas, parfois même chez des personnes qui ont déjà été vaccinées. La bonne nouvelle, c’est que ces cas ne sont plus capables de provoquer de grosses épidémies.»

Chute de la mortalité

C’est un fait indiscutable: à l’échelle des populations, la vaccination, depuis l’invention du vaccin contre la variole par Jenner en…1796, a largement fait la preuve de son efficacité. Des maladies ont été éradiquées ou contrôlées grâce à elle et des millions de décès ont été évités. C’est d’ailleurs à cela que l’on doit l’incroyable chute de la mortalité infantile observée dans les pays du Sud ces dernières décennies et partant, d’une bonne part de l’amélioration globale de leurs espérances de vie.

Devant de tels résultats, comment expliquer que dans nos latitudes, certains répugnent de plus en plus à y recourir alors que l’absence de vaccination expose à la survenue de flambées épidémiques au sein des populations qui ne sont pas protégées. La rougeole bien sûr, mais par exemple en 1989, une terrible épidémie de poliomyélite aux Pays-Bas, dans des communautés opposées à la vaccination pour des raisons religieuses.

«Il y a encore quarante-cinquante ans, beaucoup de personnes avaient dans leur entourage des personnes qui tombaient malades à cause de maladies infectieuses, répond un généraliste genevois. Qui se souvient encore des terribles poumons d’acier dans lesquelles vivaient certains malades atteints de poliomyélite? Aujourd’hui, grâce à la vaccination, ces maladies ont disparu de notre mémoire collective, faisant croire à certains que le problème ne se posait plus. C’est évidemment une grande erreur.»

Remise en question

Et ce n’est pas tout: la vaccination fait désormais l’objet, dans nos pays riches et amnésiques, de grands fantasmes, à l’heure où tout est toujours remis en question. «Mon enfant n’a pas été vacciné et il n’a jamais rien attrapé», lancent certains, oubliant que dès lors qu’une certaine proportion de la population est vaccinée, la propagation des virus est très largement entravée. «La vaccination provoque l’autisme et bien des maladies», entend-on encore, au mépris des résultats d’études scientifiques validées.

«Bien sûr, la vaccination dans un certain nombre de cas, rares d’ailleurs, peut ne pas protéger une personne, voire même provoquer chez elle des effets secondaires ou carrément une maladie post-vaccinale, explique notre médecin. Pour comprendre son intérêt, il faut procéder à une analyse coût-bénéfices. Car à l’échelle d’une population entière, son intérêt ne se discute même pas. En réalité, les décisions de non-vaccination doivent être exceptionnelles et prises au cas par cas de manière informée et éclairée, en interaction avec le médecin traitant qui exposera au patient les risques encourus dans son cas particulier et en tenant compte de la gravité potentielle de chaque maladie.»