«Il me reste souvent moins de 200 francs pour faire mes courses pour le mois»
Gennaro, retraité
Quand Gennaro* a pris sa retraite en 2012, il ne se doutait pas un seul instant que sa vie allait devenir un véritable enfer. C’est avec une voix tremblante qu’il se confie: «Je passe mon temps à me serrer la ceinture. Il me reste souvent moins de 200 francs pour faire mes courses pour le mois. C’est horrible de vivre ainsi après avoir travaillé durement toute sa vie. Je n’ai jamais été riche, mais là, c’est insupportable.» En tant que mécanicien indépendant, cet habitant de Versoix ne s’est jamais constitué de deuxième pilier. Sa seule bouffée d’oxygène? Ses deux enfants qui lui donnent de temps à autre quelques plats chauds pour adoucir le quotidien. Ce cas n’est de loin pas isolé.
Triste record
Le canton de Genève détient la palme suisse de la rente AVS moyenne la plus basse pour les hommes avec seulement 1734 francs par mois. Les femmes se situent en queue de peloton à 1811 francs. Mauro Poggia, conseiller d’Etat en charge du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, affiche son incompréhension: «Le canton ne dispose pas de données probantes explicatives. Il faut cependant rappeler que l’aide financière aux personnes âgées représente une dépense de 403 millions par année.»
Causes connues
Le magistrat avoue également que les dépenses en matière de prestations complémentaires AVS ont augmenté de 15% entre 2010 et 2016. Une situation confirmée sur le terrain par Marianne Ricci, responsable du service social au sein de l’Avivo Genève: «Un retraité sur trois a besoin de ce type d’aides pour s’en sortir. La situation s’est nettement dégradée ces dernières années. Les gens sont toujours plus nombreux à nous contacter et ils arrivent souvent paniqués. Les indépendants et les femmes qui se sont consacrées à leurs enfants sont les plus touchés.» Selon la dernière étude de l’Office fédéral de la statistique, les 65 ans et plus seraient 13,9% en situation de pauvreté.
Futur inquiétant
Philippe Wanner, professeur à l’institut de démographie de l’Université de Genève, a son explication: «Les générations des années 1950 arrivent désormais à l’âge de la retraite. Ils n’ont pas profité du formidable développement économique de l’après-guerre, mais ont été les victimes des vagues de licenciements des décennies 1990 et suivantes. Ce sont aussi les premières générations concernées par la monoparentalité, un facteur de pauvreté sur l’ensemble de la vie.» Et d’ajouter comme une mise en garde: «Cette précarité des retraités va indéniablement s’aggraver. Dans les prochaines années, seront à la retraite des personnes ayant vécu des ruptures professionnelles, des migrants arrivés en Suisse au milieu ou en fin de vie active, des chômeurs de longue durée ou des mères ayant élevé seules leurs enfants.»
*nom connu de la rédaction