«La population baigne dans un electrosmog constant»
Jean-Baptiste Seillière, spécialiste de la connectivité sans fil
«J’ai une antenne à 50 mètres de ma chambre à coucher. Il y a un sifflement constant. Comme si une ligne à haute tension traversait mon appartement.» C’est ainsi que Monica décrit les effets de l’arrivée de la 5G dans son quartier. C’était en février 2020. Depuis, cette habitante de Champel vit un cauchemar.
«J’ai des problèmes de sommeil, des vertiges, des maux de tête, de ventre. Je ressens un mal-être. J’ai vu plein de médecins: généraliste, dermatologue, cardiologue et neurologue. Ils sont incrédules et disent simplement qu’ils doivent faire des tests. En attendant, c’est la déprime! Je suis devenue irritable. Et moi qui étais très sociable, je préfère désormais être seule dans la nature.»
Qu’est-ce qui lui fait penser que la 5G est à l’origine de ses maux? «Aucun doute possible, affirme-t-elle. Mes problèmes de santé sont apparus soudainement à cette période. Et, dès que je quitte mon appartement et vais à la montagne, je me sens nettement mieux et dors bien mieux.» Au point que pour tenter de limiter le phénomène, elle a quitté sa chambre à coucher pour dormir dans le salon, protégé par un mur porteur.
Insomnies
Sa voisine Jeanne* a, quant à elle, opté pour un rideau métallisé, «qui protège un peu de ces ondes». Elle aussi explique que le cauchemar a débuté il y a un peu plus d’un an. «J’ai commencé à faire des insomnies. Je ne fermai plus l’œil de la nuit. Et en journée, c’est comme si j’avais un brouillard dans la tête.»
Et Monica de renchérir: «On a écrit aux autorités telles que le médecin cantonal et le conseiller d’Etat Antonio Hodgers. Ils n’en ont pas tenu compte. Ils parlent de modifications mineures.»
Pour faire entendre leur voix, elles ont créé avec d’autres habitants le Collectif contre les émissions nocives des antennes de téléphonie mobile 4G+ et 5G. Et ont lancé une pétition. Déplorant le fait que «certaines antennes ont été modifiées à l’insu des habitants sans débat démocratique préalable», les signataires demandent un retour à la situation antérieure et «le respect des six points de la Charte des médecins pour l’environnement, qui met les politiques en garde contre la nocivité de ces ondes».
Pas contre la modernité
Refusant d’être taxée de complotiste ou d’anti-modernité, Jeanne clame: «Je suis pour le progrès, pour Internet. Mais, je ne veux pas que ça me prenne la tête et me rende malade.» Elle poursuit: «Aujourd’hui, seuls les gens électrosensibles sont concernés, mais demain, avec la multiplication des antennes, il y en aura beaucoup plus. Vivrons-nous tous bientôt dans un micro-ondes géant?»
Un point de vue que partage Jean-Baptiste Seillière. Ce Genevois, spécialiste de la connectivité sans fil, a participé à une table ronde organisée à la demande de l’Assemblée nationale française en 2018 sur l’impact de l’électrosensibilité. «Ce qui ressortait explique-t-il, c’est le côté inadapté des normes internationales. Celles-ci définissent qu’en dessous de 60 volts par mètre, il n’y a aucun risque d’attraper un cancer de la peau. Seuls les effets thermiques ont été étudiés. Depuis 1998, la norme n’a pas bougé et les effets athermiques n’ayant pas été prouvés, on s’en fout.»
Aujourd’hui, il accompagne les pétitionnaires dans leur combat. Selon lui, les deux habitantes de Champel sont des «vigies, des sentinelles. Elles ne sont que la pointe de l’iceberg. La population baigne dans un electrosmog constant. Le déploiement insidieux de la 5G, en contournant sciemment et les moratoires et le principe de précaution, est le plus grand scandale sanitaire de tous les temps».
* Prénom connu de la rédaction