Quand Soulages dialogue avec un sculpteur virtuose du bambou

  • Un dialogue entre deux cultures, deux formes d'expression. FONDATION BAUR

C’est une exposition subtile qui tisse des liens entre l’œuvre de Pierre Soulages et les sculptures de bambous du maître japonais Tanabe Chikuunsai IV que propose la Fondation Baur, Musée des Arts d’Extrême-Orient. L’Eloge de la Lumière où comment deux cultures, deux arts se rejoignent autour d’une palette iridescente. Comment l’idée de faire se rencontrer deux sphères artistiques apparemment si distinctes est-elle née? Directrice de la Fondation Baur et commissaire de l’exposition, Laure Schwartz explique qu’il y a plus d’une convergence entre le peintre des «Outrenoirs» et Tanabe Chikuunsai IV, 4e représentant d’une lignée d’illustres vanniers japonais dont les objets laqués et ouvragés modèlent l’ombre et la lumière.

Si l’artiste nippon perpétue cette tradition séculaire, il a su aussi, à l’instar de chacune des générations précédentes, réinventer son art: en sélectionnant des bambous noirs, tigrés ou phœnix; en utilisant des pousses désagrégées; en réalisant des sculptures à partir de schémas informatiques imprimés en trois D. «Ces œuvres-là sont d’une délicatesse saisissante tout en exprimant une incroyable vigueur», reprend cette spécialiste de la culture nippone, qui a elle-même vécu vingt ans au Japon. Comment les deux artistes entrent-ils en résonance? Pierre Soulages – s’il ne revendique aucune inspiration extrême-orientale – n’a jamais caché l’émotion qu’il avait ressentie au cours de son escale au Japon en 1958. Le géant de l’art abstrait avait en effet été impressionné par la nature, l’architecture et la lumière qui en irradiait. Mais c’est sans le savoir que ce véritable sculpteur de la matière picturale a utilisé dans ses œuvres des procédés qui pourraient évoquer le travail en profondeur des laques japonaises, ou encore une technique très prisée dans la peinture japonaise ancienne appelée urazaishiki. «Ce qui pourrait se traduire par «Les couleurs de l’envers». Les pigments sont posés sous le support de soie puis rehaussés à la surface. Ce qui produit des intensités lumineuses très subtiles», reprend Laure Schwartz.

Le visiteur peut ainsi découvrir ou redécouvrir quelques œuvres de Pierre Soulages savamment sélectionnées. Et, pour la première fois, observer la lumière dansante sur le vase que l’artiste français a conçu, réplique de celui qui avait été offert par la France à l’Association japonaise de sumō. Des morceaux choisis présentés en miroir avec les sculptures de celui qui en véritable orfèvre, dompte les bambous. Pour la Fondation, cette rencontre artistique inédite, affirme sa volonté de s’ouvrir toujours davantage à la création contemporaine en lien avec ses précieuses collections d’art extrême-oriental. Eloge de la lumière, Jusqu’au 27 marsà la Fondation Baur, Musée des Arts d’Extrême-Orient.

Infos sur www.fondationbaur.ch