«Le condamné doit être volontaire, on ne peut pas le forcer»
Laurent Forestier, chargé de communication au DSE
Le travail d’intérêt général (TIG) ne fonctionne pas à Genève. Cette sanction, qui permet notamment de désengorger les prisons pour des peines de moins de six mois, est un leurre. Pour n’avoir pas payé une pension ou encore être responsable d’un accident, ces petits condamnés n’iront pas forcément aider dans un EMS, une institution sociale, ni même balayer dans un parc. Et encore moins effacer des tags ou poutzer des bus. Notre canton pratique en effet à dose homéopathique cette forme de sanction pénale.
Manque d’aides
«En 2014, une centaine de prévenus ont pu bénéficier du travail d’intérêt général, rappelle Henri Della Casa, chargé de relations médias au pouvoir judiciaire. Il y a également eu 36 condamnations avec sursis.» Pour comparaison, en 2013, 90 personnes ont dû effectuer un travail d’intérêt général ferme et 80 ont obtenu le sursis.
Pourquoi un tel laxisme par rapport aux autres cantons (lire ci-contre)? A entendre des membres du barreau, magistrats et autres pénalistes, c’est parce que le canton n’a pas suffisamment d’infrastructures, de personnel pour encadrer ces «petits» condamnés. Du coup, dans la majorité des cas, les juges préfèrent assortir la condamnation d’un sursis. Notamment lorsqu’il s’agit de diffamation ou d’injures.
Sursis genevois
Les dernières condamnations en date sont éloquentes. Une élue municipale écope de 120 heures de travail d’intérêt général pour diffamation et injures (GHI 5.2.15). La peine est assortie avec sursis. Toujours à Genève, un policier en course d’urgence, blesse grièvement un scootériste. La justice le condamne à 500 heures de travail d’intérêt général. Avec sursis. La liste des exemples est ici non exhaustive. «A Genève, c’est hélas trop compliqué de mettre en place le TIG, détaille le pénaliste Me Robert Assaël. Car cette forme de sanction est souvent soumise à des conditions difficiles à remplir pour certain type de détenus.» Et d’appuyer: «Il manque à mon avis, une véritable volonté politique et judiciaire en faveur de cette sanction, regrette Me Assaël. Dommage, car elle sert autant l’intérêt du condamné, que celui de la société.»
Volontaire
Mais pour le Département de la Sécurité et de l’économie (DSE), le problème est ailleurs: «Le condamné doit être volontaire, le juge ne peut pas le forcer, contrairement aux mineurs», rappelle Laurent Forestier, Secrétaire général adjoint chargé de communication au DSE.
Rappel à l’ordre
Ainsi, Genève est devenue championne suisse de la détention provisoire et de la courte peine de prison ferme (de 1 à 6 mois). Ce qui a fait réagir les autorités l’an dernier, lors des Etats généraux de la justice et de la détention.
Face à la surpopulation carcérale, les politiques ont en effet préconisé l’idée urgente d’élargir le spectre de la condamnation du TIG aux personnes sans statut légal, ne pouvant être expulsées. Ils estimaient qu’il serait en effet plus judicieux de leur faire effectuer un travail pour la collectivité publique plutôt que de les envoyer quelques jours à Champ-Dollon. Mais pour cela, il faudrait changer la Constitution: le TIG est pour l’heure uniquement réservé aux résidents suisses.