François Longchamp: la dérive autoritaire

COLÈRE • En mettant aux 45 communes du canton une pression inutile et infantilisante autour d’un questionnaire, le président du Conseil d’Etat s’est mis à dos un nombre important de maires et d’élus locaux.

  • Le ton employé par le «gouverneur» de Genève n’est pas du goût des communes.

    Le ton employé par le «gouverneur» de Genève n’est pas du goût des communes.

«Les conditions d’une négociation ne sont pas réunies»

Sami Kanaan, maire de Genève

Et si cette affaire-là était celle de trop? Un épisode où le président du Conseil d’Etat a manifestement traité les 45 communes de notre canton comme si elles étaient des enfants. Mise sous pression, devoirs à domicile, dénonciation publique parce qu’elles n’auraient pas rendu les copies à temps. Tout cela, alors que le dossier devait demeurer confidentiel! Oui, les communes en ont marre de ces méthodes. Des magistrats comme Sandrine Salerno, Carole-Anne Kast, Sami Kanaan, Thierry Apothéloz et surtout Catherine Kuffer, présidente de l’ACG (Association des Communes Genevoises), ont publiquement dit leur colère face à la méthode. L’affaire confirme une tendance lourde: celle de la dérive autoritaire de l’actuel président du Conseil d’Etat.

Absence de lisibilité

De quoi s’agit-il? Du dossier des relations entre canton et communes à Genève. Les tâches, aujourd’hui, sont enchevêtrées, notamment dans le domaine de la culture. Trop de doublons. Des surcoûts. Une absence de lisibilité: la population peine souvent à savoir quelles missions émanent de l’Etat, ou des communes. Donc oui, il y a nécessité d’un vaste chantier, tout le monde est d’accord. Et il y a même un délai: 2018. Là où le bât blesse, c’est la méthode. Le ton. L’arrogance. Le «gouverneur» de Genève infantilise les communes en leur distribuant, comme à l’école, un questionnaire en forme de devoir de vacances. Très virulente, Sandrine Salerno, deux fois maire de Genève et aujourd’hui conseillère administrative, déclarait jeudi 30 octobre, à Genève à chaud, avoir été maltraitée, infantilisée, et éprouver un sentiment de trahison.

Trahison du canton

Il faut dire que la méthode du Conseil d’Etat n’est pas de celles qui inspirent immédiatement la confiance. Mardi 28 octobre, séance entre canton et communes à la Salle de l’Alabama. Distribution de documents de travail, qui doivent rester confidentiels en attendant, huit jours plus tard, les textes définitifs. Les communes respectent l’embargo. Le lendemain, mercredi 29, le Conseil d’Etat le calcine lui-même en informant la presse du dossier. Et en laissant bien entendre que les communes genevoises traînent la patte. Du coup, énorme colère des communes, le Verniolan Thierry Apothéloz parle de «casus belli», le maire de Genève, Sami Kanaan, estime que «les conditions d’une négociation ne sont pas réunies». Bonjour l’ambiance.

Légitimité communale

Le canton, certes, est l’organe de surveillance des communes. Lorsque des faits graves surgissent dans ces dernières, il peut agir. Ce qui est et doit demeurer très rare. Pour le reste, il convient de rappeler que les autorités communales sont élues par le peuple, elles puisent en lui leur légitimité, elles sont en Suisse le premier échelon démocratique de proximité. Un maire, un conseiller administratif, ça n’est pas rien. Et ça n’a pas à se laisser régenter par les pulsions jacobines d’un Grand Horloger d’Etat. En se rebiffant, en faisant comprendre à François Longchamp que les choses ne se passeront pas ainsi, les communes affirment une existence historique qui d’ailleurs, en deux siècles, s’est souvent construite en résistance face au pouvoir cantonal. Dans ce combat, leur colère est légitime. L’exercice du pouvoir est une chose, la dérive autoritaire d’un régent, en est une autre, face à laquelle nous tous, les citoyens, devons exercer la plus vive des vigilances.