On ne touche pas au libre choix!

TRANSPORTS • A Genève, ce principe est gravé: il s’agit, rien de moins, de le respecter.

  • Le «sondage» sur les états généraux des transports de Luc Barthassat, c’est juste du vent. DR

    Le «sondage» sur les états généraux des transports de Luc Barthassat, c’est juste du vent. DR

«Il y a tout de même un moment, en République, où il convient de rappeler ce qui a été décidé»

Pascal Décaillet

Depuis le refus sans appel, le 28 septembre, de l’initiative de l’UDC sur la traversée de la rade, rien ne va plus à Genève en matière de transports. Non pas dans nos rues, qui ne sont ni plus ni moins encombrées que d’habitude. Mais dans les consciences politiques! La votation de cet automne a réveillé un climat de guerre des transports. Il y a les pro-bagnoles. Les anti-bagnoles. Et, quelque part au centre, un conseiller d’Etat dont on attend avec ardeur qu’il décide plutôt qu’il ne sonde à n’en plus finir. Surtout, une chose est sûre: pas question de toucher au principe de libre choix du mode de transport. Le Grand Conseil, par un vote ferme et parfaitement clair, vient de le rappeler à la gauche lors de sa dernière session.

Pas un sondage en ligne

Ce principe, dûment voté par le peuple, est ancré dans notre Constitution cantonale depuis 2002. Le jour où il avait été accepté en votation, ça n’était pas un sondage en ligne qui s’exprimait, mais le corps électoral du canton, organe ultime et souverain. On espère vivement que nos responsables politiques savent encore faire la différence entre la «doxa» (l’opinion d’un moment) et le «démos», le peuple qui décide. A lire et entendre certaines déclarations du côté de la gauche, et pas seulement chez les Verts, on pourrait en douter: d’aucuns, perdant tout sens de la clarté citoyenne, s’appuient sur le «sondage» de Luc Barthassat (dont nous avons dit ici les limites) pour tenter d’enterrer le libre choix. En clair, ils privilégient une démarche de scrutation d’opinion sur la solidité constitutionnelle d’une décision du peuple.

Force de loi

De la part d’un élu, un tel mélange, parfaitement volontaire, insidieux même, est grave. Où est la culture politique de ces gens-là, dans quels marécages libertaires, imprécis, va-t-elle puiser ses sources, là où la République, au contraire, fonde ses valeurs sur du marbre, des repères fixes, lisibles, légitimes, identifiables? Or, en matière de libre choix, nous avons une disposition constitutionnelle. Le «sondage» de Luc Barthassat, en comparaison, c’est juste du vent. En clair, rien ne se fera, ces prochaines années, en matière d’aménagement des transports, en piétinant le principe du libre choix. Ce dernier déplaît sans doute à la gauche, mais la question n’est pas qu’il plaise ou non: la question, c’est qu’il a force de loi, point final. Il y a tout de même un moment, en République, où il convient de rappeler ce qui a été décidé, ce qui prévaut.

Faire la morale

Si Thomas Wenger, député socialiste et patron de l’ATE (Association Transports et Environnement) veut faire tomber ce principe, qu’il s’attaque, par exemple par voie d’initiative, à une modification constitutionnelle: le peuple serait saisi, et ma foi nous verrions bien. Et je serais le premier à respecter sa décision, quelle qu’elle soit. Mais venir faire la morale en proclamant «Il est temps de changer de siècle, le XXe c’était la voiture, le XXIe sera celui de la mobilité douce», on a juste envie de lui rappeler que le siècle à venir sera ce qu’en décideront souverainement les citoyens. Et non la doxa imposée par l’ATE. Quant à Luc Barthassat, en attendant sa «Révolution copernicienne des transports», on brûle de lui rappeler Newton: une pomme qui tombe est une pomme qui tombe. C’est clair, vertical. Et signe de maturité.