Un budget qui renonce à choisir

CONSEIL D’ETAT • Quarante-quatre mesures d’économies! Pour le budget 2015, le Gouvernement a pris son sécateur. Le problème, c’est qu’il a taillé partout. Résultat: des économies, oui, mais sans choix ni vision politique.

  •  Pour réduire le budget 2015 à 7,8 milliards, on n’a pas fait dans la dentelle! ISTOCK/DAVIDCAYERS

    Pour réduire le budget 2015 à 7,8 milliards, on n’a pas fait dans la dentelle! ISTOCK/DAVIDCAYERS

«Les 44 mesures d’économies vont dans tous les sens»

Pascal Décaillet

Le canton de Genève a mal à ses finances. La dette est énorme: 13,2 milliards de francs, dont il va nous appartenir à tous, nous et nos enfants, de payer les intérêts. Ce chiffre impressionnant frise l’enclenchement, obligatoire en fonction de la loi, d’un mécanisme implacable, le «frein à l’endettement» (article 15 de la nouvelle loi sur la gestion administrative de l’Etat). Dans ces conditions, le projet de budget 2015, présenté jeudi 18 septembre par le Conseil d’Etat in corpore, n’est pas celui des réjouissances, mais bel et bien des économies. Le budget de l’an prochain, qui se monte à 7,8 milliards, est certes équilibré, mais au prix de très nombreuses réductions de charges.

Sans choix politique

Assurément, il le fallait. Mais hélas, les 44 mesures d’économies vont dans tous les sens: on ne s’est pas résolu à couper des secteurs entiers. Cela, pour une raison simple: la composition politique du Conseil d’Etat, celle du Grand Conseil, l’impossibilité de trouver des majorités sans composer. Alors, on nous propose un budget dûment travaillé, mais sans véritable choix politique. On coupe un peu partout. Parfois, de manière déroutante, délivrant des signaux politiques aussi étranges qu’illisibles.

Gigantesque maquignonnage

Un budget travaillé, oui! A l’image du nouveau ministre des Finances, Serge Dal Busco, un homme intègre, soucieux du bien public, doté d’une rare capacité de travail. Alors, on s’est mis au boulot, et on a concocté ces 44 mesures. Nul n’est épargné, mais nul n’est humilié, et c’est là qu’intervient, comme toujours dans un budget, la double composition politique, celle du gouvernement, celle du Parlement. Ce dernier, comme on sait, se compose depuis l’automne dernier de trois tiers à peu près égaux (la gauche, l’Entente, le MCG-UDC). Mais l’Entente a réussi, au Conseil d’Etat, à placer quatre ministres (2 PLR, 2 PDC), dont assurément la tonalité du budget 2015 porte l’empreinte. Le problème, c’est que c’est le Parlement qui aura le dernier mot. Il faudra donc que l’Entente compose soit avec la gauche, soit avec la «Nouvelle Force» (UDC-MCG). Les majorités seront plurielles, protéiformes, imprévisibles. L’examen du budget en Commission des finances, puis en plénum, va donc ressembler à un gigantesque maquignonnage, je te donne ceci, tu me donnes cela, qui relèvera davantage des «Comices agricoles que de la haute politique».

Sacrifices

Dans les mesures d’économies, on regrettera que les plus faibles du canton, les bénéficiaires de l’aide sociale ou les handicapés par exemple, soient appelés à se sacrifier. On regrettera aussi l’incroyable maladresse de certains signaux, d’apparence anecdotique, mais qui risquent de ne pas être du tout perçus comme tels par la population. Ainsi, le citoyen qui vote par correspondance (l’écrasante majorité du corps électoral), devra de nouveau s’acheter un timbre et le coller sur l’enveloppe. Ou encore, le cadeau aux centenaires est supprimé. Fallait-il, pour d’improbables bouts de chandelle, délivrer des messages politiques aussi affaiblissants?

Législature du frileux

En résumé, le Conseil d’Etat a travaillé. Mais la jungle, et la pluralité tous azimuts de ses coupes ne donnent pas l’impression d’un collège qui a su courageusement et clairement choisir. Serions-nous entrés dans la législature du frileux et de l’illisible?