«A l'intérieur, je me sens trépidante et passionnée!»

  • Brigitte Fossey, la passionnée.

    Brigitte Fossey, la passionnée.

– La musique vous enchante depuis toujours. Quels sont vos premiers souvenirs ?

– J'ai toujours vécu avec la musique. Lorsque j'étais enfant, j'ai pris des leçons de piano durant 9 ans. Ma professeure, intelligente, me faisait réciter des poèmes, car je ne travaillais pas assez la musique. Puis, devenue adolescente, à l'âge des soucis et des chagrins d'amour, j'écoutais la Passion selon St-Jean, de Bach.

– Vous aimez également d'autres genres que le classique ?

– J'apprécie autant les chansons françaises de Brel, Barbara, Brassens, Aznavour, que le jazz, facile d'accès, avec des artistes comme Dizzie Gillepsie, Duke Elligton, Lester Young et Art Tatum.

–Vous avez rajouté une nouvelle passion: celle de récitante dans des concerts, n'est-ce-pas ?

– Cela fait 25 ans que je participe à de nombreux festivals de musique en qualité de récitante. Il y a eu Pierre et le loup de Prokovief ou encore Jeanne au bûcher de A. Honegger. Cette dernière expérience m'a bouleversée: 40 choristes, 80 musiciens sur scène, l'impression d'être portée par la musique vibrante et tellurique d'Honegger. Cela a déclenché une vraie passion.

– Mais comment est né ce projet de ce spectacle littéraire et musical ?

– D'abord, par une rencontre avec Chopin. Un jour, j'écoute Radio Classic, comme chaque jour, et un de ses morceaux m'éblouit et me fend le cœur. Je me dis: Ah mon Dieu, si je pouvais faire quelque chose avec lui. J'ai appelé le musicien. Et le lendemain, Monsieur Musique en France, Alain Duault m'appelle. Président du festival de Nohant, il voulait que je fasse un choix de poèmes avec un itinéraire musical avec Chopin. Ma prière était exaucée.

– Nohant, là où Georges Sand à vécu. Vous vous êtes alors immergée dans son histoire, ses passions ?

– Oui. Sa maison est devenue un musée, mais conservé comme si elle était toujours là. C'est très intime, avec des fleurs fraîches dans les vases, les cuivres astiqués, la grande table dressée pour ses invités aux noms soigneusement écrits sur des cartons: Pauline Viardon, Eugène Delacroix, Franz Liszt, Honoré Balzac…

– Et avec Chopin, qu'avez-vous découvert ?

– Georges Sand et lui ont vécu 7 ans ensemble. Les deux premières, cela s'est bien passé. Puis, après Chopin a préféré le silence aux longues virées dans la nature, voulues par sa compagne.

– Comment s'est déroulé le choix des textes que vous lisez dans l'immense correspondance de Georges Sand ?

– Elle a écrit 20'000 lettres dans sa vie. Avec l'aide de Jean-Marie Bernica, j'en ai choisi vingt. Comme elle a très peu écrit à Chopin, nous avons conçu ce spectacle comme un itinéraire de sa vie, depuis son adolescence jusqu'à sa mort. Chacune de ses lettres retrace un univers différent. Vie romantique à Paris, sa lucidité à la parution de son premier ouvrage, ses problèmes d'argent, ses lettres d'amour à Alfred de Musset ou encore cette lettre de rupture à Chopin: cinglante, froide. Georges Sand avait unlangage coloré et plusieurs styles en fonction de ses sentiments.

– Parlez-nous de votre travail avec Yves Henry au piano ?

– Nous sommes complices. J'ai découvert avec Yves Henry plusieurs tonalités dans Chopin, plusieurs styles: entre tendresse, vulnérabilité, violence (des insurrections meurtrières et de l'envahissement de la Pologne) et de la passion. Il nous arrive de faire un vrai dialogue, comme s'il était mon partenaire. Je lui donne la réplique, je le regarde beaucoup.

– Le regard. Les regards. C'est ce que vous aimez dans un échange, n'est-ce-pas ?

– Il y a deux façons de se rencontrer. Soit on se tait, soit on parle et on se regarde. C'est par là que se passe l'échange. La voix est aussi révélatrice.

– Et les écrans, quand y reviendrez-vous ?

– On me pose beaucoup la question. Je reçois quelques scenarii, mais ce sont des univers qui ne me tentent pas du tout. Je ne suis apparemment pas très vieille et il faudrait que j'endosse des rôles dans la force de l'âge. Mais, personnellement, je me sens, à l'intérieur, trépidante et passionnée. Et au théâtre, avec la musique, je peux exprimer cette passion.

– Vous connaissez Genève, je crois. Qu'y aimez-vous ?

– J'y ai fait mes études d'interprétariat. J'allais beaucoup au théâtre. Et puis, j'apprécie beaucoup le rapport à la nature ici. Ces lignes de montagnes, ce lac au bord duquel j'aime à marcher lorsque je suis là. Je me réjouis de jouer au Victoria Hall, aussi, un lieu où l'on sent que les gens ont été très heureux. Les places sont chaleureuses et le rapport avec le public est excellent.

Sand et Chopin. Victoria Hall, samedi 2 mars 2013 à 20h. Locations: www.lesconcertsdulac.ch, tél. 078 888 51 25; FNAC et Migros