«Mes livres sont porteurs d'un fragment d'espoir»

– Durant le Salon du livre de Genève, vous serez à New York…

– Et de retour en Suisse, à Morges, en septembre pour Le livre sur les quais. Et je m'en réjouis.

– Vous dites: «Quand je me sens chez moi dans un endroit, je déménage». Pourquoi pas à Genève?

– Cela ne me tente pas. Pas plus que de vivre à Paris d'ailleurs. Tout y est trop prévisible, trop conventionnel. On sait par avance ce qui va être aimé ou détesté. Je ne me sens pas assez étranger à ces cultures pour être attiré. J'opterais davantage pour la Corse ou pour un pays d'Amérique du Sud où il faut tout reprendre à zéro. Et puis, je ne vis à New York que depuis trois ans.

– Une vie à refaire, c'est le thème de votre 13e roman dans lequel votre héros, après avoir été poignardé, se réveille deux mois plus tôt… deux mois qu'il pourra mettre à profit pour tenter de comprendre qui a voulu l'assassiner?

– Andrew, le personnage principal de mon livre, est reporter au New York Times. C'est un ancien alcoolique sauvé par l'amour de l'éthique de son métier de journaliste. Et il est confronté à cette question fondamentale: toutes les vérités sont-elles bonnes à dire?

– Vous évoquez notamment l'histoire de ces enfants chinois et argentins, arrachés à leur famille pour être donnés ou vendus à l'adoption?

– Ce qui m'intéressait dans cette thématique, c'est de comprendre comment des hommes et des femmes plongés dans des situations qui les dépassent et les obligent à se remettre en cause gardent, envers et contre tous, leur humanité. Alors que d'autres, perdent la leur.

– C'est-à-dire?

– Qu'est-ce qui fait qu'un être, d'apparence humaine, bascule un jour dans la cruauté la plus froide? La Norvège est en train de juger Anders Behring Breivik, l'homme qui a tué 77 personnes dont 69 membres de la Jeunesse travailliste réunis en camp d'été sur l'île d'Utoeya, près d'Oslo, essentiellement des adolescents. Cet homme entre dans la salle d'audience en affichant un salut extrémiste et s'exprime sur ce qu'il a fait sans le moindre remord. La vraie question est: est-on vraiment en train de juger un homme?Quel part d'humanité a-t-il gardée?

– Et quelle est votre réponse?

– Je suis d'avis qu'on juge un être revenu à un état animal. Et je suis étonné de la part de parole que lui accordent les médias. Mon livre pose la même question que ce procès. Qu'est-ce qui fait qu'à un moment un homme arrive à se départir de son humanité?

– Votre récit n'est pourtant pas si sombre?

– Il est, comme tout ce que j'écris, porteur d'un fragment d'espoir. Je suis croyant et j'ai faite mienne cette phrase: Celui qui croit en un dieu qu'il ne verra jamais et qui ne veut pas croire en l'homme se trompe. Je crois profondément en l'homme. Ce n'est ni naïf ni un excès d'optimiste. A partir de là, je mets mes personnages dans une situation qui les dépasse pour leur permettre d'être dans la résistance de nos bassesses. Ecrire des histoires qui ne portent pas en elles une part d'humanité m'intéresse peu.

– Ce roman est le numéro 13. Un chiffre porte-bonheur ou un sombre numéro qui ne présage rien de bon?

– Je vous le dirai d'ici quelques mois…

– Vous n'êtes pas superstitieux?

– Pas vraiment. Bien que j'aie hérité de petites superstitions transmises par ma grand-mère et ma mère. Quand un de leur enfant s'en allait par exemple, elles jetaient un verre d'eau derrière lui. Ce geste symbolisait le fait qu'il reviendrait… Quand ma mère faisait cela, je me moquais beaucoup d'elle. Pourtant, quand mon fils est parti pour la première fois, je me suis surpris à le faire à mon tour. Cela dit, je me fous des chats noirs comme des dessous d'échelles, et j'ai souvent pris l'avion un vendredi 13.

«Si c'était à refaire», de Marc Levy, éditions Robert Laffont.

«Ecrire des histoire qui ne portent pas en elles une part d'humanité m'intéresse peu»