«SOS Médecins a remis au goût du jour une pratique ancestrale»

  • Le plaisir d’aller à la rencontre des autres

    Le plaisir d’aller à la rencontre des autres

– SOS Médecins a 25 ans. Vous avez fait figure de pionnier à Genève. Quel souvenir en gardez-vous ?

C'était une grande aventure que, aujourd'hui, je ne recommencerais pas. Une citation de Lao Tseu l'illustre bien: «Quand vous avez une nouvelle idée, vous avez contre vous tous ceux qui avaient la même, ceux qui sont contre et la grande majorité qui n'ont pas d'idée».

– Cependant, on a l'impression que votre «petite entreprise» a toujours existé ?

La médecine de proximité a toujours existé. Elle s'est interrompue quelques décennies, lorsque les cabinets médicaux nécessitaient des locaux fixes pour accueillir une nouvelle technologie volumineuse. En 1987, SOS Médecins n'a fait que reprendre et remettre au goût du jour une pratique ancestrale. Et elle a pu le faire grâce à la miniaturisation des appareils médicaux.

– Moneyhouse affirme que votre chiffre d'affaires s'élève à 15 millions de francs. Est-ce exact ?

C'est bien moins et je me demande sur quelles bases ce chiffre a été établi. Nous avons un chiffre d'affaires consolidé à 10 millions. Une somme largement suffisante pour payer correctement tout le monde et régler toutes les factures.

– Il y a les urgences hospitalières. Le 144. Pléthore de cabinets médicaux. A qui SOS Médecins est-il utile? Aux personnes âgées et esseulées ?

– Sur une centaine d'interventions par jour, ceux en provenance des centrales d'alarme installées chez des particuliers – 2000 foyers sont reliés à SOS Médecins – représentent entre 3 ou 4 appels par jour.

– Quel est alors le public cible ?

– Statistiquement, la personne type qui appelle SOS est une femme, d'une trentaine d'années. Mais ce n'est qu'une statistique. En fait, le public cible est toute personne qui cherche une réponse à son angoisse. On appelle SOS Médecins quand on a peur que quelque chose de grave arrive: un infarctus, une douleur incontrôlable…

– Qu'est-ce qui différencie un médecin SOS d'un médecin de famille ?  

– Nous sommes les médecins de famille de l'urgence, disponibles en tout temps. SOS a une soixantaine de professionnels qui savent écouter sans juger.

– Tous les médecins ne sont-ils pas empathiques ?

– Cette aptitude est difficile à développer quand on est dans une routine de cabinet bien rodée avec une clientèle d'habitués. Pour SOS, elle est essentielle. Nos médecins doivent avoir suffisamment de souplesse d'esprit pour comprendre que leurs clients ont déjà un médecin traitant qui leur prodigue les soins auxquels il croit. Un médecin qui remettrait cette prise en charge en cause pour imposer ses vues n'aurait pas sa place à SOS.

– De quoi êtes-vous le plus fier, après 25 ans d'activités ?

– Du lien thérapeutique qui se crée avec nos patients. Je suis heureux dans ce système qui favorise le lien humain et permet de réduire l'anxiété et la violence en ville.

– La violence en ville ?

– Oui. Il y a, en ce moment, un grand débat autour des dealers et des toxicomanes. Ce sont nos patients. Nos médecins font un grand travail de prévention quand ils leur apportent du réconfort. Cela évite qu'ils passent par la violence quand ils sont en pleine angoisse. C'est très important de pouvoir rassurer cette population.

– Intervenez-vous souvent pour des cas d'overdose ?

– On est beaucoup intervenu. Combien de morts avons-nous retrouvés, dans des endroits pas possibles… Aujourd'hui, c'est fini. Il existe des lieux qui répondent à une réalité sanitaire, où les personnes prennent leur dose. Des lieux où on essaie de les comprendre, de les aider. Je suis content de cette évolution dans la compréhension du mécanisme de l'autre. Ils ne sont pas coupables d'être mal, d'être seuls, d'être dépendants… C'est tellement compliqué de les aider.

– Qu'est-ce que SOS Médecins vous a apporté d'essentiel ?

– Le plaisir de me lever le matin et me dire que je vais aller à la rencontre des autres. Que je vais essayer de les comprendre, sans les juger. Essayer d'être un homme meilleur parce que j'aurai mieux compris l'autre. Quand je me souviens à quel point je pouvais être arrogant et jugeant, voire cassant dans mes jeunes années. Maintenant, c'est fini.

– Votre activité vous a apaisé ?

– Oui, j'ai grandi. Avant j'étais un petit enfant gâté, avec le bien et le mal devant les yeux. Aujourd'hui, si vous me dites qu'il y a le bien d'un côté et le mal de l'autre, je ne vous comprendrai plus… Je me lève le matin en sachant que rien de tout cela n'est vrai.

SOS Médecins, urgences au 022 748 49 50, www.sos-medecins.ch